Faites comme chez vous

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c'est recevant !

mardi 30 septembre 2008

Le “Préroman” et l’Abandon (suite)

Le roman avant sa publication m’intéresse. Disons, m’intéresse aussi. En butinant sur la toile, j’ai découvert un blogue « Chroniques d’un premier roman » et à l’intérieur, une entrevue vidéo en deux parties. C’est une entrevue avec Antoine Tanguay, certains le connaissent, c’est l’éditeur des éditions Alto.
Dans la première partie du vidéo (environ 6 minutes), j’ai entendu parler du monde de l’édition en général et de Alto en particulier. J’ai appris, avec un immense plaisir d’ailleurs, que le roman que j’ai tant aimé « Les carnets de Douglas » de Christine Eddie sera publié en France. Excellente nouvelle.
Mais c’est la deuxième partie qui est venue me chercher. J’ai bu chaque mot et j’irai boire encore, car lorsque l’on écoute avec émotion, certains mots nous échappent. En tout cas, moi, je suis comme ça. C’est un 6 minutes très remplies (A.T. a un débit assez rapide !) d’informations, premièrement sur Alto et l’accueil des manuscrits, y compris une précision sur la politique éditoriale, en d’autres mots, la mission que Alto se donne, Et j’arrive enfin à ce que j’appelle le « Préroman », c’est l’exposé qui m’a le plus captivé. La construction du roman et le principal artisan, l’écrivain. Tout le travail, non technique, avant la publication. Antoine Tanguay nous entretient de son rôle de directeur littéraire, différent de celui d'éditeur, même s’il porte les deux chapeaux. Je vous invite à aller l’écouter, et même le voir, c’est intéressant à un niveau qui nous occupe tous ; le lecteur. Mais, allez-y, je n’enlèverai pas les mots de la bouche de celui qui nous les offre généreusement.

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J’enchaîne sur le lecteur celui qui, en bout de ligne, a le pouvoir d’aimer ou pas. Je reviens sur le sujet « l’abandon » parce que c'est l’exercice de ce pouvoir. Je ne pouvais passer outre, 19 personnes se sont exprimées sur le sujet (Merci, c’était réjouissant à lire !).
Il y a eu un vote majoritaire (je suis déformée ou apeurée par l’actualité) pour l’abandon plus facile du livre de la bibliothèque. Notons une différence pour le livre recommandé, l’effort de se rendre au mot fin grandit.
J’ai réalisé en cours de lecture des commentaires qu’il y a une différence à faire entre l’abandon temporaire et le permanent. L’abandon temporaire viendrait d’une incompatibilité passagère d’humeur entre l’œuvre et le lecteur. Celui-ci se dit « peut-être qu’un jour, allant même jusqu’à se demander, qu’est-ce que j’ai donc à ne pas l'aimer». J’ai trouvé ces remarques intéressantes car ma question originale visait l’abandon sans peur et sans pardon, celui qui dit, « non, ce roman n’est pas fait pour moi et ne le sera jamais ».
Il ressort que ceux qui fréquentent les Bibliothèques prennent plus de risques. Un bon point à la Bibliothèque qui fait découvrir ce que l’on ne découvrirait jamais par la librairie. De toutes manières, la Bibliothèque conduit à la libraire, car un lecteur séduit parlera de sa trouvaille aux autres qui, eux, achèteront peut-être ou donneront en cadeau.
Le commentaire le plus frappant, pour moi en tout cas, est celui complètement à contre-courant (de Laurence) qui dit faire un effort encore plus grand pour les livres empruntés à la Bibliothèque, puisque pendant qu’elle en est la propriétaire temporaire, quelqu’un s’en prive. Un altruisme à ce point m’émeut, nous ne sommes plus des individus îlots, nous sommes les proches d’une même famille « lecteurs ». Exception faite pour les livres réservés, je n’avais jamais pensé à la portée de mon geste d’emprunt de livres.

L’espoir de reprendre un livre et tout à coup l’aimer quand un jour on l’a abandonné m’émeut aussi. Ça me dit, les gens changent, c’est bon signe … pour une optimiste !

dimanche 28 septembre 2008

C'est pas moi, je le jure !

Mon déclencheur pour lire ce roman n’est pas le film qui sort sur nos écrans ces jours-ci, c’est Bruno Hébert rencontré publiquement dans un Café littéraire des Correspondances d’Eastman. Pour sa manière à contre-courant de vendre son livre, en mettant de l’avant sa cinquième année seulement, son extrême difficulté à écrire, carrément de l’ordre de la torture pour lui. Sa paresse, son extrême paresse même, le faisant écrire sur de très larges feuilles pour ne pas avoir à les tourner ! Plein de choses surprenantes comme ça qu’il laisse tomber le plus sérieusement du monde. Le moment où j’ai vu ses yeux briller et sa voix vibrer est dans un plaidoyer senti pour défendre la voix de l’enfance. Il ne s’est pas senti habité par Léon, il était Léon.

Bruno Hébert retombe en enfance avec art et naturel, C’est pas moi, je le jure ! le prouve hors de tout doute. Jusqu’à date, Léon est l’enfant fictif que j’ai senti le plus vrai, se tenant loin de la fabrication savante d'un modèle réduit d’adulte. Un enfant qui a le diable au corps, un « Denis la menace » moderne, et finalement un bambin qu’on découvre malheureux. Un clown triste qui au lieu d’attirer l'attention par le rire, l'attire par la catastrophe, le drame, la délinquance.

Mais quelle imagination il a ! Il nous fait oublier un instant nos repères d’adulte, on habite cette tête d’enfant et avec lui, on fait des coups pendables. Et on lui donne notre consentement puisqu’on s’amuse avec lui.

Faut dire que le propos de Bruno Hébert est loin d’être vide, une observation du social subtilement amenée puisque naturellement portée par la bouche de Léon, 10 ans. Écoutez-le décrire ses premiers émois du coeur :
« Et pourtant, je n’avais qu’à regarder Clarence du coin de l’œil pour savoir qu’elle pouvait, sans même lever le petit doigt, prendre mon cœur, le sortir de moi et l’enterrer au fond d’un jardin oublié. Ses paroles avaient la puissance d’une Kalashnikov, un mot pouvait faire un trou béant dans mon ventre. Il fallait que je sois complètement fou pour lui avoir laissé prendre autant de pouvoir sur moi. Je ne savais pas faire marche arrière, il y avait sûrement un levier quelque part, une manette qui renverse la vapeur, mais où ?"

Je n’ai pas lu ce livre, je l’ai souri. Et la meilleure manière de comprendre de grandes vérités, c’est bien de les sourire avant de les réfléchir.

C’est le temps ou jamais de dire que la vérité sort de la bouche … de Léon, avec sa manière bien à lui de déclarer que tout est plus facile dans les livres et dans les vues :
Il n’a pas besoin de prendre une feuille de blé d’Inde pour s’essuyer le fion, Superman n’a pas de fion du tout, une craque de fesses toute parfaite avec aucun trou dans le milieu, comme le GI Joes et les Barbies.

N.B. : J’ai entamé Alice court avec René, je continuerai donc à vivre avec Léon et il faut que j’y arrive avant que le film soit retiré de l’affiche, malgré que … un succès est à prévoir !

vendredi 26 septembre 2008

Plongez la main dans le vrac

Le résultat des votes pour le Prix des libraires 15ième anniversaire est sorti hier et confirme que le public et les libraires ne partagent pas les mêmes goûts. Le Prix des libraires offrait au public de voter parmi les 15 lauréats « Roman québécois » et « Hors Québec » :

Le vote du public
Roman québécois : Un dimanche à la piscine à Kigali de Gil Courtemanche (Boréal)
Roman hors Québec : Les cerfs-volants de Kaboul de Khaled Hosseini (Belfond)
Le vote des libraires
Roman québécois : Nikolski de Nicolas Dickner (Alto)
Roman hors Québec : L’ombre du vent de Carlos Ruiz Zafón (Grasset)

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Les nouvelles de Martha initiative de Marie Laberge
J’ai reçu des réponses très succinctes à mes deux questions. La première, me disait « Merci ». La deuxième abordait ma question à savoir si Les nouvelles de Martha seraient modulées par les réactions des lecteurs reçues au fil des 26 lettres. On m’a répondu « Lorsque cela sera nécessaire, Martha réagira à l’actualité. » Ne me demandez surtout pas si par « actualité » on entend les commentaires des lectrices, j’imagine que oui. Une autre réponse plus chaleureuse m’est parvenue, cette fois de Louise Laberge, sœur de l’écrivaine :
Merci beaucoup de votre mot et... de votre patience.
Il n'y a pas de limite pour le nombre d'inscriptions. Ne vous inquiétez pas pour la tâche, Marie s'est entourée de gens très compétents.
Je dirais que la réponse la plus révélatrice est celle que Caro(line) a reçue après sa tentative de s’inscrire de la France. Après un long temps d’attente, elle a reçu ceci :
Notre système a été l'objet d'un achalandage exceptionnel depuis sa mise en service et nous vous prions de bien excuser ce délai dans notre réponse. Nous vous reviendrons sous peu avec les modalités de paiement et les tarifs. Nous vous rappelons que la première lettre sera reçue en janvier 2009.

Cette dernière révèle (enfin !) l’essentiel. D’ailleurs, je me demande bien pourquoi on ne me l’a pas servie, je ne demande qu’à comprendre un tel achalandage. Cela veut dire que la littérature épistolaire a la cote et Marie Laberge aussi. Ce sont de bonnes nouvelles après tout.

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Mon dernier vrac est une occasion en or et en littérature que j’aimerais apporter à votre attention. J’ai mis la main sur « Le Libraire » hier seulement (une seule librairie - 80% contenu religieux - qui l’offre dans tout Sherbrooke). Une annonce a attiré mon attention. La Revue « Lettres québécoises » publié 4 fois l’an vous offre « Le facteur émotif » de Denis Thériault avec l’abonnement. Je n’en revenais pas, d’autant plus que c’est un excellent roman ! Votre abonnement vous reviendrait donc à la moitié du prix, soit 12.50 $. J’y réfléchirais à votre place !

C’est chez Médiaspaul, librairie indépendante où l'on a la gentillesse de me réserver mon exemplaire du bimestriel Le Libraire que j’ai acheté Les Accoucheuses - La déroute (tome 3). Eh oui, après La Fierté, La Révolte, c’est La Déroute. Les titres résument à eux seuls la saga et laisse croire que le dénouement sur la place des sages femmes aux côtés des médecins ne sera pas réjouissant. Neuf cent pages pour en avoir la certitude. J’ai hâte !

mercredi 24 septembre 2008

L'abandon

Une question me turlupine depuis longtemps, et je vais la poser, histoire de savoir si je suis dans la norme. Ça m’arrive de vouloir me situer ; dans la marge, à côté, en bas, en haut, et juste d’en parler, j’ai le tournis. Faut dire que je n’ai pas vraiment le sens de l’orientation.

C’est au sujet de l’abandon (quel mystère, c’est mon titre !), pas l’abandon d’un enfant, l’abandon d’un livre, le sujet restera léger mais intense. Je ne veux pas remettre en question les abandons, c’est notre droit de lecteur le plus strict, comme celui de clore le bec à tous les bla-bla de notre écran jacasseur, le téléviseur.

À combien de pages, reste une question intéressante qui mène droit à mon questionnement ; abandonnez-vous un livre plus facilement lorsqu'il est emprunté à la Bibliothèque ou à votre ami ? Je vais tout se suite vous répondre que dans mon cas, et je m’oblige quasiment à acheter mes livres pour ça, quand il est emprunté, mon jugement est plus cassant. C’est drôle, tout à coup, je suis moins ouverte, plus catégorique. Je laisse moins de chance au coureur que dans le cas du pavé à une trentaine de dollars. Surtout quand on est au courant des « pinottes » que l’on nous accorde en échange dans les librairies, et cela quand ils ne tiennent pas mordicus à ce que l’on reparte une pile encore plus épaisse sous le bras (c’est comme ça, à Sherbrooke).

J’aime m’obliger à lire un roman jusqu’au bout et non, ce n’est pas vrai que je me soumets à n'importe quelle nullité (cela serait une insulte pour les autres !). C’est juste que j’ai tendance à considérer les livres comme des personnes et je tiens à laisser du temps à quelqu’un pour s’exprimer avant de le mettre au rancart. Et cela me procure de réelles bonnes surprises. Vraiment, vraiment. D’ailleurs, cela pourrait en être une autre, question, vous est-il arrivé d’avoir été très tenté de décrocher, et puis, d’avoir réalisé que vous auriez manqué quelque chose ?

Ceci dit, c’est très personnel et l’idée n’est pas de juger vos habitudes. Non, ma question est, et j’y reviens quitte à passer pour une radoteuse : abandonnez-vous un livre plus facilement quand vous n’y avez pas investi de vos dollars ?

lundi 22 septembre 2008

Les enfants du sabbat d'Anne Hébert

Terminé Les enfants du sabbat d'Anne Hébert ! Oh là, là, heureusement que l’on ne sait pas dans quoi on s’embarque quand on choisit un livre qui n’a pas de résumé d’histoire sur le quatrième de couverture. Je vais peut-être me méfier la prochaine fois !

Je suis passé à travers et même contente de l’avoir lu jusqu’au bout. Il n’était pas question que j’abandonne, j’étais intriguée ; jusqu’où Anne Hébert allait nous mener dans les méandres du diabolique ? Moi, le démon, la magie noire, la voyance qui ne voit et ne broie que du noir, les mauvais sorts, la sorcellerie héréditaire, les stigmates, les châtiments, le vaudou, ai-je vraiment besoin de dire que ce n’est pas mon quotidien ? Et comme nous lisons, parfois, afin de se projeter ailleurs, j’ai été servie !

Il y est aussi question de religiosité. De mesquinerie religieuse. Anne Hébert aurait voulu ternir la réputation de la religion qu’elle n’aurait pu mieux faire. Était-ce sa motivation profonde ? Le saurons-nous jamais ! En tous les cas, l’histoire ne le dit pas, elle.

N’allez pas croire que la raison est que l’histoire de sœur Julie de la Trinité est mal écrite. Que non ! J’aime les phrasées d'Anne Hébert, beaucoup de naturel sous l’effort. Comme la ballerine sur ses pointes et qui sourit pour la galerie. La structure du roman n’a pas aidé le thème du rêve cependant. Un peu confus, cette manière de sauter de la réalité tangible à la réalité ésotérique. J’ai dû m’y habituer, la séparation entre les deux étant mal démarquée, me laissait dans le brouillard.

J’aurais tellement de questions à poser à Anne Hébert sur sa fin. Y répondrait-elle seulement ? Peut-être, après tout, qu’elle-même n’aimait plus sa fin. Est-ce que cela a été une vengeance personnelle contre l’hypocrisie des rites religieux et qu'une fois assouvie la vengeance goûtait fade ? Une chose est certaine, un roman excessivement audacieux pour l’époque. Il fait encore frissonner pour la maltraitance des enfants, le côté secte assez barbare merci et l’inceste manifeste.

J’y pense, je ne vous ferai pas le coup de ne pas résumer, voici un quatrième de couverture fait « maison » :

Sœur Julie est rapidement soupçonnée d’être habitée par le diable, et elle l’est. Des sorts sont jetés dans le couvent, soit sur l’aumônier ou une gentille sœur pleine de bonne volonté. Est-ce que la sœur supérieure saura mener une bataille en règle contre le diable en personne ? Voilà une partie de l’histoire. L’autre, aborde l’enfance de Julie ; d’où viennent ses antécédents diaboliques et cette ferveur passionnée qu’elle voue à son frère ?

samedi 20 septembre 2008

Et nous avons voté !

Pas encore pour un gouvernement, mais pour le Top 3 à partir de notre première année de lecture à La Recrue. Est-ce que je vous l’apprends ? Je comprends qu’on n’en parle pas tout à fait autant que monsieur Coupure-Harper, mais j’ose espérer que la nouvelle est à se répandre dans la blogosphère littéraire.

Nous avons choisi ce Top 3 parmi douze Recrues qui nous ont donné des frissons et des émotions. Je n’ai pas toujours trouvé évident de me prononcer, surtout au début, j’ai trouvé l’exercice délicat et ardu. Surtout quand j’étais particulièrement envahie d’émotions, il faut arriver à y voir assez clair pour s’expliquer. En plus, ce sont des premières œuvres et notre motif pour le faire porte son filon émotif; donner un coup de pouce aux auteurs d’une première œuvre québécoise.

Finalement, il a fallu que je change dans ma tête le mot « coup de pouce » pour vitrine. Ce qui fait toute une différence. Oui, les rédacteurs ont parfois éprouvé du dissentiment presqu’en chœur pour certains romans mais au moins, on parlait de l’écrivain et de sa première œuvre. Tout, sauf le silence qui sonne l’indifférence, celle-ci, pour un écrivain, est une claque en pleine figure. Malgré les haussements d’épaules de certains d'entre eux, je reste convaincue que tous désirent viscéralement être lus car, sinon, ils laisseraient leurs textes dans un tiroir. Le geste de proposer son texte à une maison d’édition est limpide de clarté : être entendu et ultimement faire une différence dans la vie de certains lecteurs.

Reste que je ne vous ai pas encore parlé de ce que j’ai trouvé le plus frappant dans cette expérience d’un an déjà et c'est le regard différent d’un lecteur à l’autre. Ça continue à me remuer au plus haut point. J’ai visionné sur le net le premier Club de lecture de Bazzo.tv, il y avait là autour de la table, la comédienne Sophie Cadieux, l’écrivain, Jean Barbe, et le médecin Réjean Thomas qui se sont prononcés sur « Les accommodements raisonnables » de Jean-Paul Dubois et Bestiaire d’Éric Dupont. Leurs regards pétillaient dans la différence. Un peu ébranlés malgré tout d’entendre une vision complètement différente, à commencer par celle de l’animatrice. De les voir au lieu de les lire venait renchérir l’inébranlable constatation ; une manière de lire est aussi distinctif qu'une empreinte digitale.

La différence entre les êtres humains n’a pas fini de m’ébranler car La Recrue entame une nouvelle année avec Enthéos de Julie Gravel-Richard. Maintenant, nous tentons de choisir plus méthodiquement nos premières œuvres. Le vote se fait maintenant confidentiellement, en tentant d’exprimer pourquoi celui-là plus que cet autre. Une personne, Lucie, est mandatée pour accueillir en vrac les propositions livresques et elle nous en fait part consciencieusement. Nous nous structurons un peu. Et s’ajoute une nouvelle rédactrice, Anick Arsenault, dont nous vous parlerons sous peu.

Tout ceux qui m’ont accompagné jusqu’à cette dernière ligne sans cliquer sur Top 3, je ne vous trouve décidément pas assez curieux …

mercredi 17 septembre 2008

Chère Venise

Vous savez tous combien j'aime la correspondance. J'en ai lue en j'en lirai, j'en ai écris et j'en écrirai. Aussi, lorsque la Martha de Marie Laberge s'est pointée le nez, vous avez été quelques uns à l'apporter à mon attention.
Je ne suis pas encore inscrite, je m'en étonne moi-même. J'hésite, je suis un peu récalcitrante. Qu'est-ce que vous voulez, j'ai de la difficulté à ne pas prendre le mot correspondance au pied de la lettre !

J'ai écouté attentivement Marie Laberge défendre "Les nouvelles de Martha" avec Christiane Charette qui s'est fait très directe, voici certaines questions qu'elle a posées :

CC : Pourquoi ne pas avoir fait un roman comme d'habitude ?
ML : À force d'entendre cette remarque courante de mes lectrices : "On dirait que vous l'avez écrit pour moi" est né le désir d'approfondir cette sensation en creusant l'intimité par le "je". En même temps, offrir des nouvelles à des personnes qui n'en reçoivent jamais par la Poste.
CC : Pensez-vous avoir des hommes lecteurs ?
ML : Oui, j'en ais déjà un d'inscrit ! Il va y en avoir d'autres, c'est certain ! C'est périodique, quelques pages une fois par mois est une bouchée abordable même pour les gens très occupés.
CC : Est-ce que cette initiative s'est déjà fait ailleurs ?
ML : Je pense bien que non, que c'est une toute première fois.
CC : Est-ce que vous pensez faire de l'argent avec ça ?
ML : Alors là, non, et surtout pas la première année ! En calculant que les timbres pour les 26 envois vont coûter 13-14 $ et toutes les dépenses inhérentes au site web et à l'administration du projet, c'est sûr que non. Le prix ne devait pas s'élever à plus de 33 $ pour éviter que des personnes s'en privent faute du budget nécessaire. Ces lettres seront des pièces uniques, des pièces de collection puisqu'elles ne seront jamais publiées.
CC : Est-ce que vous en avez terminé l'écriture ?
ML : Non, une partie seulement. Même si le projet est de tenir le rythme une fois toutes les deux semaines, il est concevable qu'il puisse y avoir des empêchements, un retard, mais les 26 envois sont garantis.

Et maintenant la fameuse, je dirais la fatale question :

CC : Est-ce que vous prévoyez répondre à ceux qui vont inévitablement vous écrire, touchées qu'ils vont être par les nouvelles de Martha ?
ML : À ce moment-là, c'est la créatrice de Martha qui va prendre la parole et préciser qu'il est impossible à Martha de répondre.

Voilà, pour les questions de Christiane Charette. La mienne maintenant, posée via son site et à laquelle j'ai reçue une réponse une semaine plus tard.

Venise : Est-ce que le côté personnalisé de la lettre se résume à inscrire le nom du destinataire ?
Patricia Huot : C'est en effet en ce sens que les lettres sont personnalisées. Dans votre cas, cela serait "Chère Venise".

lundi 15 septembre 2008

Big Bang de Neil Smith

Huit nouvelles. Les premières, Incubateurs et Protéine Vert fluo m’ont plu. J’aimais cette sensation d’être ailleurs par cette écriture imprévisible et sautillante qui déstabilise. Un peu étourdie, mais ça allait, je tenais le cap.

Incubateurs est certes une histoire difficile sur la précarité du prématuré, mon émotion effleurait les mots, et non pas que Neil Smith soit un auteur que je qualifierais d’émotif, loin de là. Son humour nous en éloigne mais ses sujets, eux, le sont. L’impression que l’auteur tient à ne rien prendre au sérieux est étrange, je m’aventure à dire qu’à la longue, j’en ai éprouvé un malaise et il a commencé avec Les Bénins bénis. J’ai trouvé succulente l’idée de cette association de gens atteints de tumeurs bénignes. J’ai embarqué dans cette galère, en tout cas, j’ai voulu embarquer. Et puis, à un moment donné, j’ai ressenti de l’étourdissement, un peu trop d’étourdissement. J’avais de la difficulté à suivre cette écriture « papillon » qui se posait sur tellement de situations et de personnages. J’avais le tournis.

J’ai continué avec la nouvelle, Big Bang, ce n’est pas parce que l’on a la tête qui tourne que l’on arrête de vivre, euh … de lire. Justement, Big Bang est une question de vie déboulée à la vitesse grand « V ». La fureur de vivre palpitait dans les mots. Une trame de vie retournée à l’endroit ou à l’envers. Une chiquenaude au temps.

Album. C’est ici que les images ont volées en éclat et que j’ai eu beau courir pour les ramasser en un seul album, mon essoufflement s’est transformé en mal de méninges. Un sujet tragique jamais cerné, surtout effleuré par des personnages qui s’échappent ou qui m’échappent. Ou bien, carrément, le désespoir d’entendre encore un drame sur ce qui arrive à un corps, sous des mots détachés.

La boîte à papillon, qui se rit du passé par le présent, ne m’a pas réconcilié avec la difficulté de lire cette nouvelle qui m’a dépassé par sa forme « flash-back » sans crier gare. Drôle tordant ou drôle bizarre ? a un titre compliqué mais pas autant que la nouvelle elle-même. L’idée de cette femme et son cercueil ambulant à la forme creuse aurait pu me captiver si je n’avais pas eu à éplucher les couches superflues pour aller à l’essentiel. Je me suis passé la réflexion, est-ce que l’auteur aurait tendance à s’épivarder ?

J’ai aimé Extrémités, en fait, une des extrémités, les gants, plus que les pieds. Je passais rapidement sur les pieds pour atteindre les gants. De l’originalité dans l’esthétisme. On en perd son latin, ses points de repère et on donne sa langue au chat.

En parlant de langue, est-ce que la traduction est à la hauteur de l’auteur ? On peut se le demander car cet humour dévergondé à dû être difficile à rendre. Si j’ai moyennement aimé, est-ce à cause de mon tournis, à cause de la traduction ou simplement parce que le genre « nouvelle » ne me va pas … comme un gant ?

samedi 13 septembre 2008

Pour ceux qui aiment s'essayer

Le très réputé concours de Radio-Canada offre une compétition pour la nouvelle, la poésie, et depuis trois ans, le récit mais pas l’essai (jusqu’au bout du billet si vous êtes des essayistes en herbe). Les Prix sont très alléchants ; le Premier, 6,000 $ et le deuxième 4,000 $ et cela pour chaque catégorie. Les gagnants sont édités dans la revue EnRoute. Radio-Canada offre une visibilité pour les œuvres primées et récemment les lauréats des six dernières années (2001 à 2006) ont été édités chez XYZ sous forme de recueil « Un ton, une voix, un texte … ». D’ailleurs, se procurer se livre en librairie ou sur le site Radio-Canada est une bonne manière d’évaluer la qualité des œuvres.

Je dirais que ça vaut la peine de s’y mettre sérieusement, en fait, immédiatement, à moins que vous ayez des trésors nichés dans le noir de vos tiroirs, la date limite pour y participer étant le 1er novembre 2008. Ne vous en faites pas, si vous l’expédiez, par voie courriel, la veille ou la journée même, c’est à peu près ce que tout le monde fait ! La mine de renseignements est ici.



Depuis 30 ans d’existence, ce concours de Radio-Canada n’a jamais abordé le genre « Essai », ce qui manque pour tous les créatifs logiques de ce monde. Qu’à cela ne tienne, où il y a vacance, il y a un jour occupation et c’est le Prix Jean-Paul Desbiens, celui qu’on appelait le frère Untel, qui y veille pour la toute première fois cette année. Le Prix est plus modeste 1,500 $ mais se rajoute le privilège et l’honneur d’être édité avec un lancement en bonne et due forme. D’ailleurs, l’équipe a déjà pensé à une idée « marketing ».

Le point le plus important à retenir :
Pour être admissible, le manuscrit doit être écrit en français, compter plus de 40 000 mots et appartenir au genre de l’essai au sens large : Le pamphlet, l’essai biographique, le livre d’histoire ou de culture populaire.Pour tout ce qu’il n’est pas dit et que vous devez savoir, c’est ici, l’idée « marketing » inclusivement. Ah oui, mentionnons aussi que vous avez jusqu’au 15 mars 2009 et que vous recevrez les droits d’auteur habituels sur chaque vente de votre livre (10%).

De participer à un concours peu connu peut se voir comme la chance de se frotter à peu de concurrents. Avis à ceux qui ont ce petit côté opportuniste qui font souvent les gagnants !

jeudi 11 septembre 2008

Une divine plaisanterie

Ce roman de Margaret Laurence est le tome 2 du cycle Manawaka, le premier étant L’ange de pierre. La similitude étant que l’action se déroule dans le même petit village, petit par sa superficie autant que par son étroitesse d’esprit. Quant à faire, une autre similitude pas très camouflée par les titres, ils abordent, par le biais ou par les travers, la religiosité.

Voici un des romans les plus intimes qu’il m’ait été adonné de lire. Un tête-à-tête. Entrer à ce point dans les pensées inavouées d’un être n’arrive jamais dans la vraie vie. Même pas avec nos très proches. C’est une chance unique, non pas de rencontrer, mais de connaître intimement un être humain.


Si on rencontre Rachel Cameron, on lui serre la main et elle se présente à nous comme une enseignante au primaire, encore vierge, et qui prend soin de sa vieille mère récemment veuve. Voilà l’ébauche extérieure de sa vie. C’est anodin. Ce qui ne l’est pas est sa vie intérieure, ses pensées grouillantes d’hésitations, de doutes, de rébellions. Pareil au volcan, on sent qu’un déclencheur peut la faire entrer en irruption. Quel sera ce déclencheur ? On se le demande, et c’est l’intérêt de suivre le fil des pensées de cette dame à l’apparence respectable quand, pourtant, elle ne l’est pas du tout.

Entendons-nous, pas respectable aux yeux de la morale de l’époque et aux yeux de sa mère surtout. Si vous aimez voir les ficelles de la manipulation, si c’est un sujet qui vous prend encore à la gorge, sa mère vieille et malade est un exemple non subtil mais tout aussi efficace. L’arme ultime ? La maladie. Le manipulateur n’est rien sans le manipulé et Rachel Cameron est une candidate idéale. Nous vivons cette torture avec elle. La torture infligée par ses doutes. C’est vraiment captivant de percer la dualité d’un être humain à ce point. Margaret Laurence manie bien le scalpel, elle autopsie le corps des pensées de l’institutrice et elles les gonflent et elles prennent de l’ampleur jusqu’à devenir le centre de l’histoire. L’extérieur devient accessoire, il a comme seul but pour exister de venir interagir sur l’intimité. Il y a un homme dans sa vie, le connaîtra-t-on ? Par ce qu’il dégage de l’extérieur, oui, parce ce que qu'elle vit par rapport à lui, oui. Sinon, il restera un parfait étranger. De même que la mère. Celle que l’on perce un peu plus serait Calla, l’amie qui aurait des visées amoureuses sur Rachel Cameron. Je dis bien qui « aurait », n’oublions pas que le roman a été écrit en 1966, c’est suggéré seulement.

Je comprends que ses romans aient soulevé des remous à cette époque, Margaret Laurence est très avant-gardiste. Une audace remarquable sur les questions religieuses, la vie amoureuse de la femme et sa sexualité, certainement considéré XXX pour l’époque.

Pour résumer, une lecture calme, nourrie, intime. Un tête-à-tête. Et je me fais une joie à la pensée des trois autres titres à me mettre sous la dent aussitôt qu’ils seront traduits. Une auteure solide.

mardi 9 septembre 2008

Bienvenue à la table des rédacteurs de La Recrue


Je sors de mon inertie et ce sont mes collègues de La Recrue, Danaée et Lucie qui m’y poussent. Par leur exemple.

La Recrue. Je ne vous en parle pas si souvent de La Recrue, ce blogue littéraire sur la relève québécoise dont je suis un des membres. J’ai supposé que vous nous visitiez régulièrement maintenant que le site est de plus en plus nourri. Mais je suppose peut-être trop. Par exemple, ce mois-ci, c’est Big Bang de Neil Smith à qui nous faisons une place d’honneur. Depuis le 20 août que nous en avons fait l’annonce, pas moins de onze billets ont été postés afin de mieux connaître cet auteur. Aujourd’hui, une entrevue "Neil au pays des mots" vous y attend. Laissez-vous transporter d'un clic de souris, vous ne le regretterez pas.
Mais parfois, pour savoir si ça clique, ça exige plus qu’un clic de souris. Samedi soir, six (Lucie, Danaée, Éric, Catherine, Maxime ,Venise) des maintenant neuf rédacteurs de La Recrue se sont rencontrés et pour certains c'était une première. Des moi qui se rencontrent sous un même toit pour la seule envie de se voir en « vrai ». J’y ais naturellement trouvé de vraies personnes, la réelle découverte est qu'elles sonnent toutes vraies !

J’ai aussi découvert combien ça parle abondamment des gens qui écrivent dans le silence. J’ai participé et assisté à un tourbillon d’opinions, d’impressions, d’avis divergents ou convergents. Plusieurs sujets tournaient évidemment autour de la littérature ; les maisons d’éditions, les manuscrits, la qualité d’écriture, les écrivains en général ou en particulier. Et les attentes, autant du lecteur que de l’auteur. C’est sûr, qu’Enthéos, de Julie Gravel-Richard (Danaée), récemment sorti des presses de la Collection Hamac était un excellent déclencheur à ce genre de conversation.
Mon mari, Marsi, m’accompagnait. Il avait exprimé quelque réticence à y être, supposant qu’il se sentirait un peu perdu dans cette conversation spécialisée bloguale en général ou bloguale en particulier. Eh bien, il a vraiment beaucoup aimé la rencontre et espère qu’il y en a aura une prochaine. Moi aussi, et si le dieu des blogues existe (Hi ! Hi !), qu’il fasse que ce soit avec tous ses rédacteurs, dont la fondatrice, Carole (blogue à la vitesse intermittente mais toujours une mine précieuse de renseignements)

Un souvenir qui laisse un bien bon goût dans ma mémoire et à l’avenir, je lirai les mots des rédacteurs en les voyant s’articuler. Et vive le monde en 3D !
N.B. Il y a Lucie qui porte un regard sur la soirée ainsi que Danaée.

vendredi 5 septembre 2008

Pêle-mêle

Vous rappelez-vous, je vous ai parlé du Café littéraire « La Traversée de l’enfance » et il avait été mention de la sortie « C’est pas moi, je le jure ! » de Bruno Hébert sur nos écrans fin septembre. Le Libraire nous donne justement les détails de cette production :

Réalisé et scénarisé par Philippe Falardeau, le long métrage met en vedette Suzanne Clément, Catherine Faucher, Daniel Brière et Antoine L’Écuyer. Couronné du Prix des libraires du Québec et du Prix littéraire Association France-Québec Philippe-Rossillon 1998, C’est pas moi, je le jure! (Boréal), qui s’inspire de l’enfance de l’auteur, raconte le fol été 68 de Léon Doré, 10 ans, un petit futé à l’imagination débridée capable de faire les pires mauvais coups et d’inventer les excuses les plus fantaisistes pour se blanchir.

Moi qui tient tant à le lire avant de le voir, il me reste à peine un mois avant de le commander, ça presse que j’appelle ma librairie. En parlant de librairie, ne trouvez-vous pas que le palmarès « Meilleurs vendeurs » a une odeur forte de « Rentrée » :

  1. Petit Larousse Illustré
  1. Le Petit Robert
  2. Bescherelle (L’art de conjuguer)
  1. Multi dictionnaire de la langue français
  2. Petit druide des synonymes et des antonymes

Ce qui me fait dire que la tendance est que plus un bouquin est volumineux, plus on y accole le qualificatif de « petit ».

Annonce sans tambour ni trompette tiré du Carnet de Carole :

Une rencontre avec Marie-Claire Blais à la Grande Bibliothèque, le 9 septembre. Pour les détails, cliquez sur Carnet de Carole. J’espère qu’il y a des chanceux qui ne manqueront pas cette occasion rare de passer une heure et demie avec cette auteure.

Et pour finir mon pêle-mêle : est-ce qu’il y a des romans de la Rentrée qui vous ont fait d’irrésistibles clins d’œil ? Trouvez-vous que la récolte est bonne ? Irez-vous aux pommes ?

Cette dernière Q est pour tout le respect que je dois à mon titre

lundi 1 septembre 2008

Sans coeur et sans reproche ou manquer d'écoute

Je tenais absolument à lire Monique Proulx et j’ai mis la main sur ce recueil de nouvelles écrit en 1983, sa toute première œuvre fictive. Je ne sais pas si c’est parce que je l’ai emprunté à la bibliothèque et que j’ai maintenant remis mon dû mais j’ai l’impression que ces nouvelles se sont envolées. Ou serait-ce plutôt parce que j’avais une première version et que les histoires ont été améliorées par la suite mais toujours est-il que j’ai peu de souvenance des histoires. Elles m’arrivent par bribes et je les confonds un peu entre elles.

Remarquez que c’est peut-être intentionnel, le recueil se présentant ainsi : Voyage I (la naissance) est la première nouvelle et Voyage II (la mort), la dernière. Ces nouvelles charnières sont excessivement fortes, denses et bien écrites. Entre les deux, différentes histoires avec les mêmes noms de personnages placées dans des situations différentes. Ce que le commun des mortels aurait à vivre entre la naissance et la mort serait si banal que les trames de vie défileraient sans surprise et sans emprise entre ces moments forts. Est-ce que l'auteure a voulu démontrer ? Ou est-ce tout bonnement moi qui a été une mauvaise lectrice car, oui, cela peut nous arriver à tout moment de l’être. On appelle ça : manquer d’écoute. Si j’ai une excuse, c’est celle d’avoir été obnubilée par mon désir de lire son petit-dernier "Champagne", au lieu de son petit-premier.

Sans cœur et sans reproche a un style fort, un ton assuré, j’oserais même rajouter, audacieux, pour l’époque. Ce qu’il m’en reste est l’admiration devant l’aplomb de Monique Proulx à faire vivre ses personnages masculins. On ne peut supposer un seul instant que c’est une femme qui fait parler un homme. Ses mâles sont très bien incarnés. Et chacune de ses nouvelles a un point de chute clair, net, bien défini.

En finale, ce recueil voguant sur le fil de l’eau de vie offre le plaisir de se laisser mener en bateau par un bon capitaine avec, en prime, l’assurance d’accoster sans encombre à la fin de chaque nouvelle.