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dimanche 28 décembre 2008

L’accent québécois aussi pur que l’accent français

J’ai déniché une interview très intéressante ou, en tout cas, riche pour sa matière à discussion, avec Jean-Denis Gendron, phonéticien et auteur de l’ouvrage « D’où vient l’accent des québécois ? Et celui des Parisiens ? »

Pourquoi publier un ouvrage sur l’origine de l’accent ?
J’avais l’intention d’écrire un livre sur l’histoire de la prononciation du français au Québec. J’y ai travaillé de façon intermittente et, il y a trois ans, je me suis dit qu’il fallait commencer par le début, et le début, c’est l’origine de l’accent. Tous les témoignages des voyageurs aux XVIIe XVIIIe siècles concordent : il n’y a pas d’accent au Canada. Bougainville (le célèbre explorateur français) le confirme en 1757 : « L’accent des Canadiens est aussi pur que celui des Parisiens ». À partir de 1810, toutefois, les voyageurs trouvent le français parlé au Canada déplorable. Que s’est-il passé entre 1760 et 1810 pour que devienne différent ce qui, 50 ans auparavant, était jugé identique ? Qui a changé d’accent ? C’est d’abord pour résoudre cette énigme que j’ai écrit cet ouvrage.

L’abbé Thoulier d’Olivet écrit, en 1736, que l’accent des Canadiens est plus proche de celui de Paris et de la cour que ne l’est celui de Bordeaux ou de Marseille. Comment expliquer cela ?
L’accent des Canadiens était bien celui de Paris et de la cour, même s’il y avait des variantes. À Paris – à la cour en particulier – l’élocution était plus gracieuse et élégante qu’en province. Probablement que, dans la haute société canadienne et en particulier à Québec où l’on était davantage en contact avec les gens venant de France qu’à Montréal, l’élocution était aussi raffinée. Mais, globalement, l’accent canadien était le même que celui du Nord de la France. Car à l’époque, la France était divisée en deux zones linguistiques. Au nord de la Loire, on parlait comme les Parisiens, alors qu’au sud, le langage – le provençal, par exemple – était tout à fait différent. Tellement que, lorsque le dramaturge Jean Racine descend de Paris à Uzès, il affirme qu’à partir de Lyon, il ne comprend plus rien. À l’époque, les gens du nord ne saisissaient pas ce que disaient les méridionaux. Pourquoi ? Parce que le latin n’a pas évolué de la même façon dans toute la Gaule. Dans le nord, la langue a été beaucoup plus influencée par les Germains. Ailleurs, le parler est resté beaucoup plus proche du latin. Or, la majorité des Canadiens viennent du nord, de toute la côte ouest jusqu’à Bordeaux.

Que s’est-il passé pour que les voyageurs du XIXe siècle trouvent que l’accent canadien « sonne populaire », provincial, voire même paysan ?
Il faut savoir qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles, il existait deux styles à Paris même. D’un côté, le style familier de la cour et des salons, caractérisé par une prononciation naturelle et sans effort; de l’autre, le style soutenu ou le « grand usage » des prédicateurs, des avocats et des comédiens, qui se distinguait par une prononciation très majestueuse, précise et articulée. La prononciation canadienne des XVIIe et XVIIIe siècles était très proche du style familier de la cour, qu’on appelait aussi le « bel usage ». On disait « mouai », « touai », c’te femme », c’t’homme, etc., tandis que les prédicateurs, les comédiens et les avocats du Parlement de Paris disaient « moi », « toi », « cette femme », « cet homme ». Cette dernière prononciation était enseignée dans les collèges. C’est donc celle que la bourgeoisie, dont les enfants fréquentaient ces établissements, a apprise et qui s’est peu à peu répandue dans les salons au XVIIIe siècle. Lorsque, à la Révolution, la bourgeoisie a pris le pouvoir et que la noblesse a été chassée, cette prononciation est devenue celle de la haute société, alors que le style familier a été déclassé. Autrement dit, ce sont les Parisiens qui, sans s’en apercevoir, ont changé d’accent. C’est ce qui explique que les voyageurs du XIXe siècle trouvent que les Canadiens ont un accent provincial.

Selon vous, la Révolution tranquille marque un tournant dans l’histoire de l’accent. Pourquoi ?
La population québécoise dans son ensemble a commencé à prendre conscience de l’existence d’une nouvelle prononciation avec la naissance de la radio. Rappelons qu’au début, à la radio, beaucoup d’annonceurs étaient français. Dans mon enfance, c’étaient des Français qui décrivaient les parties d’hockey. Dans les années 1920-1930, le cinéma français est arrivé chez nous et on a commencé à l’accent parisien. À la fin des années 1960, non seulement il y a la radio, le cinéma et la télévision, mais beaucoup de Québécoise se rendent en France et le niveau d’éducation de la population s’améliore. C’est l’époque où l’on commence à vouloir prendre notre place dans les organismes internationaux, notamment au sein de la francophonie. Notre accent s’est alors mis à changer rapidement. Il y a eu une prise de conscience que l’accent québécois ancien n’était plus acceptable comme parler public.

Notre accent ne serait plus acceptable ?
Nous sommes à l’ère de la mondialisation et, sur la scène internationale francophone, c’est toujours Paris qui donne le ton. Si nous étions 300 millions de Québécois, il n’y aurait pas de problème avec notre accent. La domination linguistique est toujours, en même temps, une domination politique, culturelle et économique. Si vous êtes le plus puissant, on va adopter votre langage. Dans le monde, les gens utilisent beaucoup plus l’anglais américain que l’anglais européen et ils vont aux États-Unis pour l’apprendre parce que ce sont les États-Unis qui dominent le monde. Si nous avions bâti ici un empire semblable au leur, non seulement l’accent parisien nous apparaîtrait un peu guindé et prétentieux – comme l’accent anglais à l’oreille des Américains – mais surtout, nous ne songerions pas à l’imiter. Notre culture a beau être vivante, nous ne sommes que 7 millions. Et pour le reste de la francophonie – la France, la Suisse, la Belgique, l’Afrique francophone et même Haïti -, le modèle à suivre est celui de Paris. Comme la différence est encore très marquée entre notre façon de parler et celle du reste de la francophonie, je pense qu’il y aura encore de petits ajustements dans notre prononciation. Cela dit, on gardera toujours un certain accent qui nous est propre : l’accent québécois.

Propos recueillis par Marie-Claude Bourdon pour la revue Québec Science (oct.2008)

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À votre tour de vous exprimer, si vous avez trouvé ce propos intéressant ou ce qui vous a le plus frappé. Des contestations ? Mais sans accent. Car, il faut bien le dire, le français virtuel n’a pas d’accent. Il m’arrive d’essayer d’en donner à nos amis Parisiens mais c’est rare que j’y arrive, le mien gagne tout de suite !

8 commentaires:

Anonyme a dit...

Bien entendu, je trouve ça très intéressant... avec mon métier, je pas m'intéresser à la phonétique, ce serait définitivement bizarre. Bon, j'étais pas mal au courant du "pourquoi de l'accent québécois". J'aime les différents accents régionaux et je souhaite sincèrement que ça demeure... ce serait un peu dommage de n'avoir qu'un français générique. Mais bon, d'un autre côté, il faut se faire comprendre... et donc faire des compromis (des deux côtés... ce que j'ai personnellement expérimenté l'été dernier!!) quand on veut communiquer en français hors-Québec. Mais bon, ce n'est que mon opinion!!

Ceci dit, je vais essayer de trouver ce livre pour fouiner un peu plus parce que j'avoue qu'il me manque de l'info!!

helenablue a dit...

J'ai trouvé cette note fort intéressante , je ne savais rien de tout ça !!
Je trouve les accents plutôt sympathique et celui des québécois est trés étonnant et poétique , de mon point de vue ... j'aime aussi l'accent belge , il a un côté chaleureux ...
Je trouve aussi que ce serait dommage de perdre ces particularités de la langue , ça l'enrichit au contraire ... C'est vrai que parfois pour se comprendre i l faut une traduction , mais je trouve cela assez excitant finalement , d'apprendre de nouveaux mots , ou de nouvelles tournures de phrases !

Que dire de l'accent du Nord de la France , qui a aussi sa spécificité et qui n'est pas non plus toujours facile à comprendre ...
Tout cela colore le langage , et je trouve ce la gai et vivant !
Le français est-il à ce point parisien ? Possible , j'avoue d'ici ne pas m'en rendre vraiment compte !

Enfin , surtout ne perde pas votre accent , "misote , j'l'trouvo ben à m'in gout ! "

:))

Beo a dit...

Quel ouvrage intéressant!

Maintenant je comprends mieux pourquoi le langage entendu en ville de Québec est plus près du français standard qu'ailleurs dans la Province.

Sans vouloir blesser personne, je vais quand même avouer qu'il n'y a pas si longtemps que j'ai perdu le réflexe de dire que l'accent de Montréal est le pire de tous les accents québécois ;)

D'autre part, je suis ravie d'apprendre que ce sont les parisiens qui ont changé d'accent au départ!

Sinon, les québécois ont bien compris que pour rayonner dans la francophonie, il y a intérêt à uniformiser le vocabulaire.

Il restera toujours que même avec un accent très léger, les différences demeureront au niveau de la manière de formuler les énoncés.

C'est un peu ce avec quoi j'ai eu le plus de misère en Europe. Pour arriver à bien saisir l'idée de mon interlocuteur: il me fallait inverser ses propos, ce qui n'est pas rien!

Je viens de le revivre avec leur manière de décrire un match de hockey. Ici une pénalité n'est pas POUR tel joueur mais bien CONTRE! ;)

Danaée a dit...

En fait, on a tous un accent. La langue évolue. On ajoute aussi des mots, pour rendre compte de nouvelles réalités. Une langue, c'est vivant.

Les Français ont un accent (même s'ils ne s'en rendent pas compte!) comme nous avons le nôtre. Le problème, c'est quand il faut juger lequel est le "bon" accent...

Mais cet article est très intéressant pour ce qui est de l'histoire de la langue de chez nous. Ça met beaucoup de choses en perspective.

Anonyme a dit...

TRÈS très très intéressant et instructif! Je vais faire un lien vers ton article sur mon blogue.^^

Gérard Le Berre a dit...

"Ce sont toujours les autres qui ont un accent..." La France perd la diversité de ses accents dont certains en région étaient aussi divers que peut l'être celui du Québec. L'unification en cours a probablement pour origine le "modèle" standard pratiqué sur les ondes et en particulier à la télévision.
Quant aux parisiens, l'accent pouvait varier selon les quartiers: qu'on se souvienne de celui de Maurice Chevalier (l'accent des quartiers populaires d'avant guerre), de Renaud ( Séchan) imitant l'accent de la banlieue des années soixante. Aujourd'hui, les petits gars du 9-3 (département 93 du nord de Paris) ont un accent- et un vocabulaire- fortement influencé par les origines diverses des populations qui y vivent. Une langue est vivante... jusqu'à ce qu'elle meurre;-)

Venise a dit...

Gérard Le Berre : Bien vrai ce que vous dites, la mouvance des accents est le signe que nos langues sont bien vivantes. Les mots bougent aussi.

Et je trouve toujours curieux de ne pas attendre mon accent, ce qui fait que je suis facilement charmé par celui des autres. Tous les accents m'enchantent, il sonnent justement comme un chant à mes oreilles.

Merci de votre passage ici. Vous m'avez fait faire un voyage dans le passé.

Anonyme a dit...

C'est du n'importe quoi !!! Les québécois ont un accent à coucher dehors.. Nous français sommes incapables de les comprendre. Et sans oublier de dire qu'ils déforment le français par des mots ou des verbes inexistants en France.