Faites comme chez vous

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c'est recevant !

jeudi 19 juillet 2012

Quelque chose comme une odeur de printemps d'Annie-Claude Thériault

Béate est une jeune fille d’environ treize ans, et c’est à travers son regard d’adolescente que nous allons rencontrer sa famille : ses parents, qu’elle juge immatures, sa sœur, qu’elle juge automate et renfermée, son frère qu’elle traite de lémurien. Et, adolescence oblige, elle se croit invisible aux yeux des siens.

Béate est intéressante, son œil vif posé sur son entourage sait captiver un lecteur. Quand elle se met en action, on ne s’ennuie pas avec elle. Comme sa vie familiale laisse à désirer, elle se tourne vers la vie extérieure. Elle entretient avec une fille de son âge, Wu, Chinoise adoptée, une relation difficile à cerner, par l’étrangeté du côté créatif de son amie. Monsieur Pham, le propriétaire du dépanneur qu’elle fréquente, même s’il n’est pas de son âge, la traite comme une amie. Cette relation est si imprévisible qu’elle en devient attendrissante. Un Libanais, monstrueusement gros, un vrai ogre, laisse flotter une ambiance de conte. Si Béate désirait se sortir de la lourdeur de l’ambiance familiale, où les drames à répétition éclatent à cause de son frère qui disjoncte, elle se choisit des amis qui la garde loin de l’ennui !

L’auteure a choisi de raconter cette histoire de famille en 39 chapitres de longueur variable, coiffés de titres précis, et rassemblés en 3 parties, donnant au tout une impression de chroniques. J’ai découvert dans les chapitres brefs, d’une demie ou une page, une voix narrative qui pose un regard critique acéré sur l’histoire en cours. Cette voix plus grave qui laisse supposer que c’est toujours celle de Béate, je ne suis pas arrivée à l’apparenter à l’insouciante adolescente en action.  Ces quelques chapitres, je les ai vécus (ou lus !) comme des hachures. L’écriture y est pourtant irréprochable, peaufinée, presque métaphorique.

J’ai aimé les personnages atypiques de monsieur Pham et du très surprenant outre-mangeur libanais. Les descriptions y sont savoureuses et empreintes d’humour. Les relations familiales sont bien jouées, grâce à des dialogues justes, concis, laissant tout l’espace pour les non-dits. On reconnait bien là la famille typique qui subit les relations au lieu de les choisir.

J’ai cependant un bémol en ce qui concerne la mort tragique du frère. D’aborder la schizophrénie, vécue dans une famille des plus standards est intéressant ; cette maladie invalidante n’est pas une mince affaire. En faisant abruptement mourir le personnage, le sujet est escamoté. Pourtant, la situation était habilement présentée, plusieurs nœuds restaient à dénouer, dont celui des parents niant et cachant la différence de leur fils, hypothéquant sérieusement l’harmonie familiale. J’aurais aimé suivre jusqu’au bout ces deux soeurs qui tentent de s’adapter chacune à leur façon. En le faisant mourir, le lecteur est laissé en plan avec une amorce de situation. Je comprends le choix évident de l’auteur de placer en avant-scène Béate, mais à ce moment-là, pourquoi choisir une maladie aussi grave pour un de ses membres ? La schizophrénie risque de passer pour une anecdote, même en y intégrant la culpabilité post-mortem.

Dommage, car pour les rares fois où l’on ose aborder la maladie mentale, j’aurais aimé que l’auteure ne lâche pas le filon, puisqu’elle avait, à mon avis, le talent pour l’exploiter.
 

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Quelque chose comme une odeur de printemps, Annie-Claude Thériault, Éditions David, 2012, 169 pages - un premier roman, repêchage au webzine La Recrue, encore une fois très bon numéro. Le titre sur la sellette commenté par 4 rédacteurs est ce mois-ci : Charlotte before Christ d'Alexandre Soublière  + repêchage vu par 2 rédacteurs Tous les corps naissent étrangers d'Hugo Léger + Les Cavaleurs de Fernand J. Hould + Rue Saint-Olivier, André Carrier + Les dieux divisibles d'Odile-Marie Tremblay (poésie) 

mardi 17 juillet 2012

Le Passe-Mot ouvre ses tiroirs

Avez-vous remarqué la nouvelle couleur de mes murs ? Je vous avais prévenu, mais ça éclabousse peut-être moins que prévu. Ce changement-là est cosmétique, ce sont les autres, comme toucher à la structure, qui furent exigeants.

Passer sept cents vingt quelques billets pour les classer en catégorie, à traduire en langage informatique par « libellés ». Quand j’ai commencé Le Passe-Mot en 2006, je ne savais pas ce que je faisais. J’inventais de fantaisistes noms de catégorie, sans en connaitre l’utilité exacte ni les répercussions. C’est hier que j’ai vraiment goûté aux répercussions ! J’avais trop de catégories, j’ai dû éliminer les moins pertinentes, ce qui ne se fait pas d’un coup de balai, mais par beaucoup de pitonnage.

Presque 720 billets à ouvrir pour modifier la catégorie. Et comment vous les présenter pour qu’en cliquant la catégorie dans la marge de droite, vous voyez défiler les textes s’y rapportant ? Je ne savais pas. J’ai dû réfléchir, tester, me tromper, puis réussir.

Et j’en ai profité pour mettre le feu à ma bibliothèque, ce que je voulais faire depuis longue date. Aviez-vous remarqué en bas de la marge droite, j’avais ce que je nommais « Fouillez dans ma bibliothèque » ? Elle devait comprendre tous les titres commentés. Peut-être joli comme ça, mais la bibliothèque amplifiant de jour en jour, son étagère devenait trop longue, et la bibliothécaire tannée de remplir des fiches. Pendant que l’on remplit une fiche, on ne lit pas et on ne commente pas !

J’ai réussi à colliger 25 catégories, j’aurais aimé moins, et me demande encore comment cela se fait-il que j’en ai autant, mais que voulez-vous, je dois vivre avec mon caractère qui aiment les commodes à plusieurs tiroirs.

J’aimerais ouvrir chaque tiroir avec vous afin de fouiller son contenu :

•    Ayez mes critiques à l'oeil : Mes commentaires de lecture de romans québécois uniquement
•    Biographiquement vôtre : Mes commentaires de biographie ou ouvrage à saveur biographique
•    Blogues : on en parle : Là où est abordé les blogues en général et le Passe-Mot en particulier, comme en ce moment. Mon voisinage avec la blogosphère, par exemple, réponse à un tag (défi que l’on se donne d’un à l’autre).
•    Correspondances d'Eastman : Tout ce qui concerne cet événement estival, d’année en année, mes comptes-rendus des Cafés littéraires.
•    De la BD pas pour les enfants : Les jours où je me sens assez d’aplomb pour un commentaire sans prétention sur la bande dessinée.
•    De ma plume je m'envole : Les textes de ma plume pour occasion spéciale, majoritairement en relation avec la littérature mais pas obligatoirement.
•    Du vrac, en veux-tu ? : Plusieurs sujets divers et divertissants dans la vastitude littéraire, et qui mène souvent à un lien. L’idée étant de piger dans ce grand vrac sans se faire croquer trop de temps.
•    L'exception fait la règle : Mes commentaires de lecture des romans hors Québec.
•    La langue, c'est dans la poche ! : Particulièrement, dans les premières années, j’abordais la question du vocabulaire et du bon français. Un tiroir que je n’ouvre presque plus.
•    La littérature se réfléchit : Quand on interroge, questionne les acquis, les mœurs, les habitudes, les incongruités. Comme notre littérature est un miroir de société, on ne peut manquer l’occasion d’y réfléchir.
•    Laissez-vous sonder : Quand je vous sens loin, chers lecteurs et lectrices, et que j’ai besoin de vous entendre. Quand vos réponses prennent le dessus sur mes questions.
•    Le film en livre et vice et versa : Je trouve intéressant ce transfert, ce pont qui nous amène voir comment d’autres personnes ont lu une œuvre pour en faire une différente. C’est fascinant pour la comédienne que je suis. 
•    Les pluies de Prix littéraires : Combien il y en a ! Incroyable. Difficile de tous les répertorier. Je me faufile entre les gouttes de pluies, et me mouille pour certains prix plus que d’autres.
•    Mon mari Marsi, bédéiste : Comment faire pour qu’il ne revienne pas dans ma vie, ce bédéiste qui l’emplit ? Comme il a les deux pieds dans le milieu, j’en parle.
•    Ne pas se priver du personnel : Le personnel prend parfois le dessus, pas trop souvent, puisque je me suis promis de respecter un mandat. Mon privé se confond savamment à la chose littéraire.
•    Passons aux Salons : Ils occupent de la place dans ma vie, c’est un lieu de rencontres et d’effervescence. Quand j’y mets les pieds, je ne peux m’empêcher de vous en parler.  Et vous semblez aimer, alors je continue !
•    Quand c'est pas du roman : La catégorie la plus mince, mais le restera-t-elle ? Pas sûre, car j’aime de plus en plus lire des livres documentaires.
•    Rajeunir : Quand il me prend une envie de lire de beaux albums jeunesse, pourquoi se priver ? C’est important de savoir qu’est-ce que l’on donne à lire à nos enfants.
•    Récréation : J’aimerais vous en offrir plus. De ces moments, assez souvent sous forme de vidéos, qui font sourire et tout oublier.
•    S'apercevoir en entrevue : Les entrevues écrites que j’ai eu l’immense plaisir d’avoir avec certains auteurs. Si ce n’était pas tant de travail,  j’en ferais plus. Encore là, maintenant que cette catégorie est clairement identifiée,  la curieuse que je suis devrais s’y remettre.
•    Saliver les lectures : La cérémonie qui précède le geste d’ouvrir la couverture, convoiter un livre,  dresser des listes, décliner des titres, les présenter, les annoncer, les égrener, perles d’un long collier.
•    Sous la couverture : Elle pourrait s’appeler « divers ». Touche le monde du livre, librairies, libraires, maisons d’édition,  va en-dessous, va voir ce qui passe sous la table. Le tiroir est bien rempli.
•    Webzine La Recrue (premiers romans) : C’est une sous catégorie, je m’explique. Chacun de mes commentaires de lecture se place sous « Ayez mes critiques à l’œil » mais lorsque je commente un premier roman, je rajoute cette catégorie. Ma critique est également publiée à La Recrue du mois, une vitrine panoramique des premières œuvres québécoises (plusieurs rédacteurs-trices en selle).  
•    À la page de l'actualité : Des infos qui passent et parfois reviennent. L’actualité a cela de sûre, elle est éphémère. Attention, s’y trouve des dates de péremption, ne pas prendre le passé pour du présent. 

J’espère que vous aimez mes changements et trouvez commode mes tiroirs cliquables.

vendredi 13 juillet 2012

Brathwaite - Isabelle Massé

Rarement maintenant je lis des biographies, celle-ci sera mon exception, jusqu’à la prochaine. Pourquoi ? Parce que j’aime Normand Brathwaite, ça pourrait être aussi simple que ça. Cette manière de parler de ses sentiments, sans pudeur, ne camouflant pas sa vulnérabilité, ça me plait. Mais si ce n’était que ça. Je suis intriguée, depuis longue date, par le paradoxe  que je sens en lui. Je n’arrivais pas à mettre le doigt sur ce tiraillement, me voilà mieux située.

Son métier exige de lui d’être extraverti, quand sa nature le porte à l’introversion, delà un pressant besoin de s’éloigner des autres, se rapprocher des siens pour recharger son énergie. Sa générosité hors du commun le mène droit à la reconnaissance, valeur qui l’a d’ailleurs convaincu d’accepter que la journaliste, Isabelle Massé écrive cette biographie, parce qu’au départ, il n’en était pas question. À Tout le monde en parle, on peut entendre et voir pourquoi il s'est laissé convaincre.  

Ma lecture m’a apportée beaucoup plus qu’escompté. Quand on aime un artiste, normalement, on le suit, à moins que ce ne soit Normand Brathwaite !  Il touche à tout, donne l’impression d’être partout, il est difficile à suivre, la preuve, lui-même éprouve de la difficulté à le faire !

La biographe commence par déterrer les racines ; mère québécoise, père Jamaïcain, frères aînés ; des jumeaux. Son enfance entourée d’une famille élargie (tante, grands-parents) tissée serré a fait l’homme qu’il est, c’est indéniable. Il y en a chez qui l’emprise de l’enfance est flagrante, il est un de ceux-là. Peut-être parce qu’il portait en lui, et porte encore, les traces du racisme par le blanc et le noir entre les murs du 4 et demi de la rue St-André.

Sa détermination pour étudier en théâtre, son inclination initiale pour le théâtre expérimental, comment il en est venu à bifurquer vers la musique, puis l’animation, ses amours, ses party, ses amis, ses maisons ... Certains seront peut-etre surpris d’apprendre qu’il se consacre à la réfection des maisons qu’il achète. Ça le relaxe. Comment gère-t-il son argent, quand il en a peu ou quand il en a plus, on va au-delà des blagues récurrentes à ce sujet. Son cheminement sur la voie de la publicité. Son plaisir de survoler la réalité terre-à-terre en hélicoptère, se laissant voler, flotter.
De tout ça, j'ai retenu que Normand Brathwaite est un homme qui surmonte quotidiennement des peurs viscérales.

Le monde de la radio à Montréal sera démystifié, surtout les exigences pour leurs « morning man ». Sa relation affective avec le métier d’animateur radio remplira plus de pages que celle avec Johanne Blouin (même si certains voiles se lèveront). Vous suivrez également les fils emberlificotés de l’histoire de ses départs de CKOI. Il y a moyen de lire  « entre les lignes », d’autant plus qu’il en manque à peine une ou deux !

Si vous êtes friand du milieu artistique au Québec, vous serez servis, puisqu’il a foulé tellement de scènes. Isabelle Massé est entré dans les coulisses avec lui, les a fouillé sans laisser de poussière dans les recoins. Vous n’avez qu’à écouter Normand B. en entrevue, il gratte le fond et les débris remontent à la surface.

S’il y en a un qui peut coiffer le titre de workaholic, c’est lui. Sa difficulté à dire « non » cache une insécurité difficile à déloger. Mais la vie le poussera à évoluer. Heureusement d’ailleurs, puisque je serais peut-être à commenter une biographie posthume, ce qui serait infiniment affligeant. De sa profonde dépression, on a eu des relents lors d’un gala où il a remercié sa psychologue d’être en vie pour recevoir son prix. Sa dépression fut grave, pas une pause obligatoire parce que surmené. Madame Massé ne l’aborde pas à la manière sensationnelle, ce n’est pas larmoyant, le ton est juste, sobre, respectueux. En fait, et il est temps que je le mentionne, le ton professionnel et entraînant qu’a maintenu tout au long Isabelle Massé est le fil d’or qui tisse bellement la matière première.

Il serait dommage de ne pas relever une des motivations de la journaliste à rédiger cette bio : le fait remarquable qu’un Noir ait imprimé sa couleur au Québec. Si phénomène il y a, c’est qu’on ne la voit plus sa couleur. De cela, il est fier, en même temps que reconnaissant vis-à-vis l’ouverture des Québécois. Quant à moi, après cette lecture, je lui donne tout le mérite. Son attitude est idéale pour favoriser cette harmonie, la lecture de « Comment travailler comme un nègre sans se fatiguer » pourrait vous en convaincre.  

Mes seuls bémols vont au début et à la fin. J’aurais déplacé le prologue « Tout survoler » pour le placer à la fin. Cette fin conclut plus que ne commence et grandit le personnage, et en plus, nous aurait donné un point final retentissant. Tandis qu'en fermant la couverture, on reste sur une frustration irraisonnée « C'est bien beau, mais qu’arrive-t-il maintenant ? ». Comme il n'y a pas de point final, on se demande pourquoi l’histoire ne continue pas ... comme la vie.  

mardi 10 juillet 2012

Vertigineux VRAC

Pas n'importe qui
Guy Delisle est au Québec (Chroniques de Jérusalem, Chroniques Birmanes, Pyongyang). Vous voulez le rencontrer ? Il s’offre à vous, derrière sa table de dessin (croyez-moi, toute table se transforme en table à dessin pour un bédéiste !) à la librairie Planète BD, samedi le 21 juillet à partir de 14 h 00 à .... Le ...  j’imagine que ça dépend de la file de fans !

S'il vous plait .... pas devant un écrivain !
Difficile à croire que ces phrases-là ont déjà été dites ou écrites ! Et pourtant, en me fiant à quelques exemple, avec mon Marsi, admettons que je suis obligé de le croire !

Un concours attrayant
Québec-Amérique est généreux avec ses lecteurs et lectrices avec une idée qui sent bon l’été. Passez par ici, cliquez « j’aime » (sur facebook), donnez votre nom et adresse courriel, prenez une photo de vous lisant un livre de Québec-Amérique, la partagez-la sur le mur (ou babillard) de Québec-Amérique et vous pourriez gagnez :

---l’ensemble des titres Québec Amérique de l’automne 2012, dédicacés par leur auteur. --- Pas mal, n’est-ce pas ?

Qui l’a lu ? Pas moi.   

"Le 21 mai dernier, dans le cadre de la Journée nationale des Patriotes, le Grand Prix littéraire de La Presse Québécoise a été attribué à Micheline Lachance sous la présidence d’honneur de Monsieur Jacques-Yvan Morin, ancien ministre du Cabinet Lévesque. Le Roman de Julie Papineau raconte une page de notre histoire, à travers les yeux d’une femme animée de passions amoureuse et politique étonnamment modernes".

Je ne l’ai pas lu, mais je devrais, il me semble. J’aime de plus en plus les romans historiques, même si l’expression à leurs sujets me fait bien rire: une page de notre histoire, quand ce sont souvent les romans qui ont le plus de pages !

Deux rééditions chez Alto
Les larmes de saint Laurent, deuxième roman de Dominique Fortier (Du bon usage des étoiles, La porte du ciel) est disponible en librairie depuis le 12 juin dans la collection Coda.
Parapluies, deuxième roman de Christine Eddie (Les Carnets de Douglas) également et cela depuis le 23 mai, toujours dans la collection Coda.

Je le mentionne d’autant plus que cette collection est plus économique (16.95 $ et 14.95 $), et tout aussi belle.

Où en suis-je ?
(en autant que je n’en suis pas au Qui suis-je ou Où suis-je ?) - En plus d’avoir terminé les trois romans apparaissant dans la bretelle de droite, j’ai également terminé :

Yukonnaise de Mylène Gilbert Dumas
Tous les corps naissent étrangers, Hugo Léger
Dragonville – tome 2 « Encre » de Michèle Plomer se termine ce soir.

Six commentaires à venir ! Je gagne un peu plus de temps à chaque jour, alors ça devrait sortir.

Blogger m’incite à changer l’apparence du blogue, car incessamment, ce sera obligatoire (encore du temps à trouver, dans une boite de souliers peut-être !). Alors, attendez-vous un jour, en arrivant ici, à vous sentir un peu perdus, comme après un déménagement.  Mais dites-vous que les murs seront changés, mais pas celle qui écrit dessus.

*** Photo de Guy Delisle relevée sur le blogue Atelier des médias

vendredi 6 juillet 2012

Elle et nous - Michel Jean

Deux mois après voir refermé la couverture de “Elle et nous”, que m’en reste-t-il ?

Avant tout, j’adore l’apparence du livre et l’illustration de sa couverture (œuvre signée Marike Paradis), d’une beauté fascinante. Je considère important de communiquer cette appréciation à l’ère du numérique. J'apprécie tellement l’objet « livre » que j’ai attendu de le trouver dans une de mes boîtes de déménagement avant de le commenter. J’avais besoin de le toucher, de le feuilleter, de le sentir. Et j’adore le titre, d'une justesse simple, c’est le son que je trouve génial. Quand j’entends « et nous », j’entends Innui, quand c’est de cette culture dont il est question. La grand-mère de Michel Jean, Jeannette Gagnon est d'origine Innuie. Ce prénom et nom adoptés en même temps qu’une vie hors des mœurs et habitudes apprises dans son enfance.

J’ai terminé l’histoire depuis deux mois et mon souvenir le plus vif va pour l’histoire de Shashuan Pileshish, signifiant Hirondelle, plus que celle de Jeannette, les deux étant pourtant la même personne ! Shashuan Pileshish est le prénom de l’enfant de la chasse et de la trappe, l’enfant nomade qui changeait de lieu en même temps que changeait la saison, l’enfant aux mœurs passionnantes.

Au cours de ma lecture, j’ai régulièrement pensé à Agaguk d'Yves Thériault, roman que j’ai tellement aimé. Je ne partais pas d zéro dans l’apprivoisement de cette vie palpitante, parce que dépourvue de toutes assurances. Dans cette vie, au meilleur des cas, on voit venir sa nourriture et son toit, une saison à la fois, au pire, un jour à la fois. Le demain est une promesse d’aventures, ce qui est tellement différent de notre vie actuelle où Bell Canada prétend que tu vis dangereusement si tes fils extérieurs ne sont pas couverts par une assurance !

Michel Jean a opté pour que Jeannette parle directement, comme si elle écrivait un journal sous nos yeux. Elle a 100 ans quand elle l’écrit, elle relate sa jeunesse. J’ai rapidement oublié que ce n’était pas la grand-mère qui écrivait. Quelle grandeur d’âme et d’amour il a fallu à son petit-fils Michel Jean pour s'infiltrer dans la peau de son ancêtre, arrivant à nous la rendre vraie ! On entre dans le cœur de cette enfant, vite transformée en jeune fille, et on s’y attache ferme. Faut dire qu’elle ne vit pas une vie ordinaire, tout y est passionnant, mais toujours l’être humain prend le dessus sur les moeurs et coutumes. Sachant l’auteur journaliste, on aurait pu y trouver des odeurs de reportage, mais que nenni ! C’est romanesque de la plus belle façon ; tellement vraie qu'elle ne peut être inventée et tellement bien inventée, qu'elle ne peut être vraie. On jurerait qu’il a épié la vie de son ancêtre entre les branches des années 1900 !

Je manquerais à ma mission de passerelle de ne pas faire mention que les chapitres se divisent en « ELLE » (Shashuan Pileshish, dite Jeannette) et en LUI (Michel Jean). Les « LUI » m’ont intéressée mais cependant moins marquée. Ils m'ont servi de points de repère pour les ELLE, une mèche allumée pour illuminer le passé. Et puis, évidemment, Michel Jean étant un personnage public, plusieurs s’abreuveront à la source biographique des LUI.

Est-ce que l’on choisit l’être qui nous appelle, en passant par nos sens, jusqu’à croiser nos sangs et faire naître des enfants ? Le roman aborde l'élan qui dépasse la raison, ce raison compris dans « raisonnable ». Dans ce roman, si vous l’ouvrez, votre cœur entendra une double histoire d’amour ; d'une femme à un homme et d'un petit-fils à sa grand-mère.