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jeudi 1 novembre 2012

De père en fille - Louise Simard et Jean-Pierre Wilhelmy

Ce roman historique réédité (première édition : 1989) est une valeur sûre, tellement il aborde de sujets sans s’y perdre, grâce à l’habileté des auteurs. Peut-être pourrais-je ajouter, grâce à l’expérience de ce couple d’auteurs qui n’en est pas à leur première parution.

C’est un roman qui plonge dans notre histoire, au 18e siècle, abordant la médecine au Québec. On y découvre, dans l’œuf, la suprématie des anglophones sur les francophones et celle de l’homme sur la femme à l'époque des premiers balbutiements de la médecine, ce qui implique la première école officielle qui l'enseigne.

Si le roman est si réussi, c’est qu'il y prévaut un thème : la ségrégation. La ségrégation mène l’intrigue ou, autrement dit, la mise à part sans trop de questionnement, des femmes, des immigrés, des indiens (sic) et, le bouquet ... des Canadiens français ! Le propos pourrait être dur à avaler s’il se présentait comme un long billet éditorial, mais il n’en est rien. Le style et le doigté des auteurs font en sorte que les injustices passent par de passionnantes intrigues familiales ou amoureuses.

Évidemment, la révolte du lecteur peut atteindre des apogées, le poids lourd des injustices à répétition ébranlent, mais ce qui rend la lecture confortable, et par le fait même assimilable, c’est ce subtil dosage des passages heureux à dramatiques.

J’y ai trouvé des portraits de femmes admirables et d’hommes également, bien sûr, mais ceux-ci ont quelques atouts de plus dans leur manche à leur naissance. J’ai été renversée par la détermination d’Éva, la fille de son père médecin d'origine allemande, qui doit se cacher pour pratiquer la médecine. C’est une féministe avant son temps, bien sûr, mais sa sœur, une femme à la maison qui fait du bénévolat est tout aussi admirable. Pourtant, un des "méchants" de l’histoire est leur frère, un être faible à l’intérieur et fort à l’extérieur. Il est sous le joug terrorisant de sa mère, ce personnage de sorcière civilisée.

La bataille menée par les Canadiens français pour entrer sur un pied d'égalité dans l’antre sacrée de la médecine, au même titre que les anglophones, en est une épique. On assiste, le souffle court, à des moments stratégiques qui expliquent notre passé pas si lointain où les rôles de subalterne étaient généralement dévolus aux Canadiens français. 

Une seule bavure dans toute ma lecture : la fin. Bien entendu que l'on ne peut pas toujours adoucir les dénouements de l'Histoire avec son grand H, mais il y aurait eu moyen qu'elle soit moins abrupte, il me semble. C'est le rythme effrénée des événements qui m'a dérangée. J'étais mal préparée à cette bousculade quand, tout au long du roman, le temps avait pris son temps.

Je ne saurai trop recommander ce roman aux personnes qui aiment les voyages vers le passé avec en mains un passeport qui permet de s’amuser en apprenant et, sans conteste, dans une émotion pleine et entière. Et ceux et celles qui aiment entendre parler de la médecine vont être comblés au-delà de toute attente.

15 commentaires:

anne des ocreries a dit...

Oh, il me donne faim, celui-là, c'est un livre à dévorer, je le sens ; c'est incroyable, quand même, ce penchant de l'homo sapiens à la ségrégation, à se séparer toujours entre "eux" et " nous"....je sens aussi que j'ai pas fini de fulminer, en le lisant....( mais ça, c'est tout moi, j'ai la fulmination facile, à croire que je suis née sur un baril de poudre ! :D )

Suzanne a dit...

Curieux le propos de ce roman ressemble à celui que Jean-Pierre Wilhelmy a écrit en collaboration avec sa fille Mylène: Sarah à l'ombre des hommes !!!
Mon billet ici:
http://balades.blogg.org/date-2009-09-11-billet-1080294.html#comments

Je me trompe?

Ginette a dit...

Je pensais avoir lu ce livre, mais je me trompais.Celui que j'ai lu, c'est Docteur Irma de Pauline Gill.
C'est l'histoire d'Irma Levasseur, la première femme médecin canadienne
française

Michel a dit...

Tentant, sauf le côté médical qui me fait fuir

ClaudeL a dit...

J'ai lu plusieurs livres de Louise Simard, mais pas celui-ci. Déjà dans mes demandes envoyées à la bibliothèque. De Wilhelmy, je connaissais Les mercenaires... parce que je m'intéresse aux soldats auxiliaires allemands venus pour la révolution américaine, dont quelques-uns, dont un Falstrault, sont restés au Canada et ont fait des petits.

Venise a dit...

Anne : Ce serait une bonne occasion de te plonger dans notre histoire et de fulminer ! (attention à trop de palpitations cardiaques !)

Venise a dit...

Suzanne : C'est inouï ! Ça ressemble drôlement à ce bouquin-ci ! Du même auteur en plus, c'est troublant.

D'après le résumé que tu en as fait, la différence (parce qu'il FAUT que j'en trouve !) est que cette intrigue de la fille qui veut devenir médecin en est une parmi d'autres. Le véritable enjeu étant l'acceptation des canadiens français dans l'école de médecine. C'est bien parce que je VEUX en trouver, car c'est assez semblable et ça me trouble grandement. Sarah à l'ombre des hommes a été publié en 2009 et de Père en fille, première édition en 1989.

Bien curieux tout ça, assez que j'ai le goût de m'informer.

Venise a dit...

Ginette : On dirait bien que ce fut un sujet de prédilection la femme médecin au Québec. Vive nos femmes médecin ! (j'avoue avoir un faible pour les femmes médecin... chut !)

Venise a dit...

Michel : Si ça peut te faire fléchir, le médical et son côté technique nous est épargné. Le côté humain prend amplement les devants de la scène.

Venise a dit...

ClaudeL et l'histoire du Québec, ça ne fait qu'un !

Contente que tu l'aies commandé à la bibliothèque. J'espère que tu auras le goût de partager tes impressions, j'aimerais connaître ta vision.

Suzanne a dit...

Si tu as réponses à tes interrogations et les miennes par le fait même, tu veux bien m'en faire part?

Par curiosité, je vais lire cette réédition; je vais peut-être trouver des différences. Euh je l'espère sinon ce serait vraiment troublant.

Venise a dit...

Suzanne : Je me suis informée et paraitrait-il que Sarah à l'ombre des hommes soit la suite de Père en fille. Et, en effet, une des filles du "Père" se nomme Sarah.

Que ce ne soit pas dans la même maison d'édition a de quoi mélanger les lectrices que nous sommes.

Suzanne a dit...

Ah merci pour l'information m'dame. Ça va me faire un drôle de lire «l'avant». ;-)

Anonyme a dit...

Bonjour,

Je viens de lire avec plaisir votre recension de notre roman De père en fille et nous sommes ravis, Louise et moi, d'avoir pu partager ainsi un peu de notre univers.

Je suis, en effet, le coauteur des deux romans De père en fille avec Louise Simard et Sarah, à l'ombre des hommes avec ma fille Mylène. Permettez-moi de tenter de répondre à quelques unes des interrogations de vos correspondantes.

Certes, le même thème de la médecine revient dans les deux romans mais si vous remarquez bien le premier se situe au début du XIXe siècle (1793-1832) alors que dans Sarah nous sommes à la fin (1885) de ce même siècle.

Dans De père en fille Éva ne devient pas médecin (du moins d'une façon légale) et prodiguera ses soins à titre de sage femme. Dans Sarah, au contraire, celle-ci comme quelques unes de ses consœurs sera admise enfin à l'université. Tous ces personnages féminins de Sarah... , soit dit en passant, ont été inspirés par le parcours des Dres Maude Abbott, Grace Ritchie et James Miranda Stuart Barry comme il est mentionné dans les premières pages du livre. D'ailleurs, cette histoire comme vous l'avez sans doute remarqué se situe chez les anglophones de Montréal qui, grâce en bonne partie à leur situation financière, a permis à ces femmes très déterminées, de vaincre leurs plus grands obstacles, la religion et certains hommes pour ne pas dire la plupart des hommes, et ce, bien avant les premières femmes médecins francophones.

Quant aux autres thèmes qui alimentent ces deux romans ils ont été puisés dans chacune des époques. Dans le premier on y parle de d'esclavage, d'immigration et de cohabitation ainsi que des premiers bureaux d'examinateurs ( i.e. ces Bureaux qui se réservaient le droit d'accepter ou de refuser les candidats) etc etc. Dans Sarah, se sont les rivalités entre anglophones et francophones, de la mise sur pieds du premier bureau de santé de la ville de Montréal qui s'est vu confier le difficile mandat de combattre un des pires fléaux à s'abattre sur Montréal.

Quant aux luttes fraternelles elles font malheureusement encore de nos jours l'objet de notre réalité.

Voilà, pour cette brève précision qui je l'espère saura répondre à vos interrogations.

Au plaisir d'une prochaine communication.

Jean-Pierre Wilhelmy

Venise a dit...

Bonjour monsieur l'auteur !

Votre réponse nous fait un grand plaisir (j'inclus Suzanne !). Nous voilà très bien renseignées, d'une manière qu'on ne peut pas plus juste et précise. Abreuvées à la source !

Bien évidemment, qu'il me FAUT, Sarah au pays des hommes. J'en ferai la recension à ces heures, je croule sous les piles de romans québécois qui s'amusent à narguer mon temps, comme s'il était une denrée inépuisable. Je ne sais pas vous, mais moi de ce temps, on m'accorde 24 heures par jour de calendrier. Et comme le calendrier régit nos vies. Par exemple, Noël aura encore tendance cette année à arriver à Noël !

Encore merci pour vos précisions. On s'encourage mutuellement !