Faites comme chez vous

Faites comme chez vous
c'est recevant !

mercredi 25 décembre 2013

Ce que j’ai demandé au Père Noël

Que l’expression « juste prix du livre » soit mieux comprise par le plus de gens possible et que la loi passe comme une lettre à la poste

Que les lettres et les livres soient toujours déposés près des maisons par une main tendue appartenant à un être humain dont le cœur bat et les lèvres sourient

Que les auteurs peu ou pas connus soient lus parce que les médias en parlent et que les médias en parlent parce qu’ils sont peu connus

Que les Marie Laberge de ce monde comprennent le sens profond du mot solidarité

Que les essais ne soient plus placés dans la même catégorie que les livres de recette de toutes sortes dans les concours

Que le nom des illustrateurs soit mis de l’avant dans les albums jeunesse où il a peu de mots et d’innombrables images

Que le site d’un passionné de la bande dessinée, dit explorateur portant chapeau de safari, soit découvert par de plus en plus de mordus de la bande dessinée

Que certains écrivains qui n’écrivent plus se remettent à écrire

Que les librairies indépendantes ouvrent au lieu de fermer (longue vie à la nouvelle Perro Librairie de Shawinigan !)

Que la bande dessinée au Québec continue son essor

Que je trouve encore et toujours du temps pour lire et commenter la littérature québécoise

Que le Colis 22 de Marsi se rende à destination des cœurs, le facteur de partage aidant, qu’il gagne le concours de circonstance

Que tous mes amis écrivains, éditeurs, veilleurs de talent trouvent l’énergie pour continuer, conservant leur vitalité dans la fraicheur de leurs idées

Que les blogues littéraires, nos clubs de lecture contemporains prolongent leurs liens, que la distance continue de ne pas avoir d’importance

(pour) Que la distance n'ait pas d'importance, mon magicien rouge et blanc préféré, toi et ta ribambelle de lutins, pourriez-vous travailler, pendant vos jours de relâche qui s’en viennent, à des tours de passe-passe, afin que nos titres voyagent mieux, en classe plus économique, vers nos amis Français, Belges, Suisse et tout ceux qui expriment le vif désir de nous lire

Et puis, pour terminer, je te souhaite à toi, Père Noël, de ne jamais mourir

samedi 21 décembre 2013

Vertiges de Fredric Gary Comeau

Vous souvenez-vous de la venue d'un nouveau joueur sur le damier des maisons d'édition au Québec ? Quai no 5. Vous connaissez la curiosité du collectif La Recrue ? Et sa mission de tenter de couvrir toutes les premières fois ? Eh bien, Vertiges s'est trouvé en tête d'affiche ce 15 du mois.

Je l'ai lu et commenté, vous trouverez mon avis ci-dessous. Mais ce n'est qu'UN avis parmi d'autres et, en l'occurrence parmi quatre avis. Si ça peut titiller votre curiosité, je suis celle dont les pieds sont restés accrochés un peu sur le quai. Les autres ont plongé, et profondément.

Alors, plongez, avec ou sans Vertiges.

Chorégraphie ample aux 170 pas de danse

Ronde de huit personnages donnant l’impression de couvrir la planète entière par une chorégraphie ample, ses 170 pas de danse (strophes numérotées) renvoient à une allure syncopée. L’observation de personnages dansant sur une piste à ce point élargie exige une attention soutenue, surtout que s’y rajoutent une suite ininterrompue de références culturelles. Les érudits en retireront certainement du plaisir, s’ils suivent attentivement le sens des liens, goûtant cet assaisonnement relevé du monde des arts. Pulsion, répulsion, respiration, expiration : on entend le souffle parcourant ces vies déposées sur un large damier, la main du destin faisant avancer les pièces une à une ou deux par deux.

La voix narre le récit à la manière du journaliste livrant les nouvelles, toute trace d’émotion étant retirée lorsqu’elle annonce les pires horreurs. De ces horreurs, on en trouve, particulièrement de la part d’un personnage atteint d’une sexualité satyriasique. Fait notable, ces couples temporels consomment l’activité sexuelle en abondance; c’est le nerf de la guerre de leurs relations.

Chaque lecteur s’attachera sans doute à un personnage en particulier. Dans mon cas, cela aura été Hope, peut-être à cause de sa présentation offerte et vulnérable. Elle me fait penser à une bonne part des habitants de cette planète.

Malgré les qualités évidentes du roman, il ne faut pas croire que je me sois délectée sans réserve de ce roman. Envahie d’informations m’apparaissant superflues, comme trop de fleurs sur un tapis, j’ai parfois maudit mes confusions et râlé devant mon manque de culture.

Ce roman m’apparait s’adresser au cerveau plus qu’au cœur, malgré les extraits poétiques qui affluent (citations et références à la fin du roman). Les érudits portant haut leur culture se laisseront sans doute entrainer par cette chorégraphie de personnages et d’images à l’allure théâtrale plus que moi.

vendredi 13 décembre 2013

Longue immortalité à Dany !

Est-ce que vous arrivez à voir Dany Laferrière, revêtu de ce costume ? Difficilement pour ma part. Et voilà pourquoi ça me fait tant plaisir. Dany Laferrière se différencie. Je n’ai jamais pris la mesure de son ambition, peut-être que lui non plus après tout, mais la vie a décidé que son talent serait récompensé. Pourtant, du talent, plusieurs écrivains en ont, mais c’est Dany Laferrière qui occupera le fauteuil numéro 2, autrefois occupé par Montesquieu, plus tard Alexandre Dumas fils et très récemment Hector Bianciotti, décédé en 2012.

Je rêve que l’on me dise à 60 ans, vous êtes la jeunesse, madame ! Eh bien, c’est ce qu’on dit déjà de notre globe-trotter. C’est la secrétaire perpétuelle (notion de durée) de l'Académie française, l'historienne Hélène Carrère d'Encausse qui a sollicité sa candidature. J’ai trouvé très amusante l’anecdote racontée par Dany. Il lui avait été dit qu’il devait écrire une lettre à l’Académie pour poser sa candidature. Et il en a écrit 37 ! Il croyait qu’il devait en écrire une à chacun des immortels, nom donné aux Académiciens (encore une notion de durée). Exercice périlleux, écrire à ces illustres que tu ne connais parfois ni d'Ève, ni d'Adam. On n'a pas de peine à croire qu'il doit régner en ces lieux une susceptibilité à vif. Il les a écrites, dit-il, dans un état second, tellement il était fatigué, chez lui entouré du dérangement bruyant de rénovations majeures.

J’ai eu la surprise d’apprendre que c’est pour ainsi dire un emploi à temps partiel que Dany occupera puisqu'ils se rencontrent aussi souvent qu'une journée par semaine. Ce n’est sûrement pas pour l’argent qu’on convoite cette position car elle est rétribuée à 5,524 $ par année. J’espère que l’on défraie les déplacements car ils ne vivent évidemment pas à la porte et en ce sens-là, je ne crois pas me tromper en disant que Dany sera celui qui fera le plus de millages. Notre écrivain philosophe a déjà fait l’annonce : il n’est pas question qu’il aille vivre à Paris. Il se dit un citoyen de l’Amérique, vivant en alternance à Montréal, New York, Miami où vivent sa femme et ses trois filles. Je rajouterais Port-au-Prince d’où il a d’ailleurs appris la nouvelle. Je le soupçonne de s’être posté dans cette ville pour deux raisons : fuir les assauts de la meute de journalistes et accorder le plaisir à sa mère d’être à ses côtés lors de l’annonce. *** J'apprends que j'ai tout faux, se tient en ce moment le premier Salon du livre dans sa ville natale :-) ***

Un premier Québécois, une première ronde de vote, le plus jeune, dès la première requête, ça fait plusieurs premières. Quand on pense qu’Émile Zola s’y est pris à 24 fois... et en vain.

Qu’est-ce qu’ils font une fois par semaine, ces membres de L’Académie Française ? Sont-ils plus occupés que nos sénateurs ? J’adorais être un mouche volant au-dessus de leur breuvage du matin autour d’une table qu'on imagine magistrale, de bois lourd et lustré. Comme je ne suis pas une fine mouche, je ne sais pas qu’est-ce qu’ils font exactement dans la pratique, par contre, officiellement, on sait qu'ils sont les gardiens de la langue française et qu'ils nous mijotent le Dictionnaire.

Et elle sera bien gardée, cette langue.... ils ont chacun une épée à leur ceinture ! Un apparat qui vient avec le costume. Décidément, j’ai appris bien des choses aujourd’hui.

Je suis contente pour Dany Laferrière. De sa verve, de son esprit vif et surtout de par son absence totale de snobisme, il va sûrement arriver à dépoussiérer quelques fauteuils et les personnes qui y sont assises. Cette Académie comprend des poètes, des écrivains, des hommes de théâtre, des historiens, des scientifiques, des philosophes et comme Dany Laferrière a l'intelligence de parler tous ces langages, il se fera comprendre.

Je lui souhaite de battre un autre record, celui de siéger le plus longtemps (on ne remplace pas un membre avant sa mort), ses chances sont importantes, vu qu’il y entre à un si bas âge.... 

lundi 9 décembre 2013

L’oreille absolue – Mathieu Boutin

D’entrée de jeu, je me suis exclamé “Que la couverture est attirante ! ». Cet attrait fait naître une attente ; que le roman soit à la hauteur de sa couverture.

Il est rare que je procède ainsi mais je commencerai par parler de l’auteur. Mathieu Boutin est violoniste, juriste et a publié plusieurs livres jeunesse. La joie et la légèreté déboulant en actions farfelues est sans doute des vestiges du style s'adressant à un jeune public. Bon point, l’histoire n’aurait pas une telle crédibilité n’aurait été que l’auteur est lui-même violoniste. Avec assurance et expertise, il nous amène à connaître intimement le maniement et les caractéristiques de cet instrument. À partir de maintenant, je m’approcherais de tout violon avec curiosité et respect ! 

Boutin séduit avec son ton naturel qui approche les musiciens classiques comme des amis de longue date. Leur talent est un talent comme un autre et, surtout, il ne descend pas du ciel, il s’enrichit par un travail d’arrache-mains. Thèmes menés de concert, le travail et le talent ce qui fait que, subtilement, le message s’insinue que c’est bien beau la disposition naturelle nommée talent, mais le travail est la clé du succès. Bien difficile de rester sur le seuil, on entre et avance avec entrain vers l’univers de la musique classique, peut-être parce que l’auteur la débarrasse de sa pédanterie, en s’en moquant de bon coeur.

Nous entrons dans la vie d'un groupe de cinq musicien-nes qui donnent des prestations dans des partys de bureau, restos, fêtes, festivals pour gagner leur vie. Malgré le peu de défi amené par les symphonies faciles qu’on leur commande, ces complices arrivent à se faire du plaisir. L’action démarre au moment où Robert, un joueur permanent de l’orchestre symphonique croise un membre du groupe, David, qui vient faire réparer son unique et précieux violon. L’on pourrait quasiment traiter d’inadapté ce Robert dans la cinquantaine, tellement il a vécu sous la jupe de sa mère. D’ailleurs, cette mère Jasmine fut jadis une grande mélomane, mais aujourd'hui âgée et gâteuse, elle apportera des accents burlesques à l’histoire. 

L’amour et la sexualité tirent plusieurs ficelles de ces couples formés, sans être nécessairement confirmés. Au niveau de la sexualité, il n’y a pas de doute, l’auteur ne s’adresse plus à la prime jeunesse.

Le ton bon enfant poussé sur une note aigüe peut parfois donner des scènes vaudevillesques, je pense à celle entre le fils, la mère Jasmine et les policiers. Ça pourra peut-être énerver certains allergiques à l’incongruité.

Somme toute, un roman léger abordant de la musique qui se prend au sérieux. La bonne nouvelle ? Vous pouvez laisser la couverture vous faire de l’œil, vous passerez un bon moment.

mercredi 27 novembre 2013

Le retour de l'ours de Catherine Lafrance

Le roman m’a prise par surprise dès les premières lignes. J’arrivais difficilement à me situer, je cherchais mes points de repère. Au fil des pages, j’ai fini par me situer dans le temps, c’est la vie « après » les grands cataclysmes climatiques, ceux que nous escomptons ici et maintenant. Les conséquences désastreuses du réchauffement climatique ne sont plus à l’état de menaces, elles se vivent au présent.

Une question se pose : L’ours blanc est-il à craindre ou à désirer ? De mes bottines de citadine, je me répondais qu’il était à craindre, malgré la beauté de sa majesté blanche. La réponse n’est pas si simple, puisque les habitants de ce petit village se déchireront pour elle. Un clan est pour son retour, l’autre, non. À partir de là, les luttes de pouvoir entre hommes forts de la tribu seront sans pitié.

L’histoire de ce peuple survivant est focalisée par la voix de Sakari, l’enfant du chef du village Inuit. Celle-ci est insouciante, désire s’amuser avec ses amis, tout en s’acquittant des tâches imposées. À quinze ans, elle pense déjà à unir sa vie avec un garçon qui l’attire. Mais son destin n’est pas celui qu’elle croit, et son immense attachement à son grand-père l’aidera à l’accepter. Ce dernier occupe une fonction très particulière dans ce village de 350 personnes, il est vigile, fonction qui consiste à garder vivant le savoir ancestral. Il est juché sur un promontoire naturel et, en l’occurrence, il surveille le retour de l’ours. Des heures et des heures d’attente à chaque jour, accompagné de sa petite-fille. Imaginez l’épreuve pour Sakari qui a la bougeotte de son jeune âge !

Deux intrigues jouent, une se déroule dans les hauteurs exposant la relation particulière entre la petite-fille et son grand-père. L’autre, à ras le sol, dévoile le quotidien de ses survivants en situation de crise pour continuer de survivre.

J’ai été et suis encore perplexe vis-à-vis cette histoire qui m’a tirée hors du réalisme, à partir du moment où je me suis arrêté au mot « fable » annoncée sur la quatrième. Par contre, cela reste une fable ambigüe qui flirte avec le genre sans en prendre toutes les allures. Une fable contient des messages, voici ce que j’en ai pensés.

Le vigile, la seule personne à détenir la mémoire ancestrale, donne goutte-à-goutte ces informations à sa petite-fille. Ces révélations m’ont semblé tellement aller de soi, qu’elles en revêtaient un côté simpliste. Quelque unes divulguées aux personnes âgées du village (les sages) et plusieurs problèmes se seraient réglés. La fable mettrait en évidence que, dans la vie, seulement des êtres privilégiés comprennent, tandis que le peuple, lui, n’a pas et ne peut comprendre. Et on ne prend pas les moyens pour qu’ils comprennent afin de mieux le manipuler. Cette partie m’a inévitablement fait penser à nos prêtres qui cultivaient les mystères afin de mieux manipuler leurs ouailles.

Le message vis-à-vis la femme a une teneur positive. Une femme vaut un homme, la prémisse est bien défendue et est plutôt crédible. La foi candide devant la force mâle a quelque chose d’enfantin : tu es le plus fort physiquement, tu es le chef.

Malgré une certaine perplexité, mon désir de découvrir ce qui allait se passer était constant, probablement parce que je me suis attachée aux personnages. L’impression d’habiter dans un ailleurs, une sorte d’alcôve blanche entourée d’eau et de lignes d’horizons m’a plu assez pour recommander Le retour de l’ours.

Le retour de l'ours deuxième roman de Catherine Lafrance - Éditions Druide - 264 p. octobre 2013.
Premier roman : La saison froide

vendredi 22 novembre 2013

L'oeil de la nuit - Danielle Trussart

Ce troisième roman de Danielle Trussart mérite que l’on s’y arrête. C’est l’histoire de trois femmes qui, à la suite de leur séjour dans une aile psychiatrique, décident de prendre leur vie en mains en allant vivre ensemble.

Trois étranges colocataires : Clo, une impulsive colérique plutôt naïve, Lucie, une dame âgée qui se réfugie dans l’ordre et la répétition, et Violette qui nous relate l’histoire folle de cette cohabitation. Cette dernière est plus complexe à cerner, étant la narratrice, elle ne se voit pas aller. Elle nous confie en quelque sorte la responsabilité de se former une opinion à son sujet, ce qui est fort intéressant.

La complexité de chacune est intéressante en soi, mais je bénis la présence de Clo qui brasse la cage des deux autres. Lucie aimerait que son environnement reste aussi statique qu’une photo, Violette a de la difficulté à rentrer en contact avec les autres mais pas avec elle-même cependant, ce qui nous force à jouer un jeu de lecteur, celui de l’improbabilité (j’y reviendrai).  

Violette, la narratrice, est fascinée par les mots et les expressions, ça tombe bien, ils sont indispensables pour communiquer avec le lecteur. Au fil de la narration, Violette écrit en s’adressant à Bérénice. Elle s’arrête à toutes les expressions qui lui semblent hermétiques et nous sort l’explication qu’elle a consignée dans un cahier. Personnellement, j’ai trouvé cette manie agaçante, même si au début c’est cocasse, ça devient lassant à la longue.

La narration de l’histoire des trois colocataires par Violette est d’une finesse toute poétique, elle qui bute pourtant à la moindre expression, éprouvant le besoin de la traduire par une définition plus prosaïque. Voilà ce que j’entendais par improbabilité. J’ai décidé de jouer le jeu ou, sinon, j’aurais manqué la saveur particulière de ce trio hors du commun.

Il y a beaucoup à savourer pour qui aime voguer à la surface d’un monde hors norme. Dès le début, nous voyons clairement la ligne de départ de chacune et, à la fin, la ligne d’arrivée. Entre les deux, l’histoire est habilement menée. Il y a une embarcation à maintenir à quai, avec aucun capitaine, que trois matelots avec des limites psychologiques.

Ces trois femmes ne sont pas que différentes sous la lunette sociale, mais sous le regard l’une de l’autre également. Ce qui fait la différence pour leur confort psychologique est qu’elles sont remplies de bonne volonté et motivées à ne plus être enfermées. Tout ce que l’on peut faire avec de la bonne volonté ! On peut s’entraider, partager ses forces, pallier aux faiblesses de l’autre. On trouve dans cette histoire une solidarité cahoteuse belle à voir. Et elles ne resteront pas seules sur leur bateau, l’extérieur, celui qui représente l’autre, entrera dans leur antre. Progressivement. Et assez subtilement pour qu’on y croit.

J’ai apprécié que l’auteure échappe à la tentation de la fouille en règle de la douleur psychologique par l’intérieur. Elle ne contourne pas la souffrance pour autant mais elle a pris l’option de l’exprimer par le geste et l’action, ce qui donne un roman rempli de rebondissements. Autrement dit, on part de l’extérieur pour saisir l’intérieur de ces trois femmes.

La force de cette histoire est l’équilibre entre l’intériorité et l’extériorité des limites psychologiques de trois femmes, que l’on n’est pas prêt de confiner à nouveau entre les murs blancs d’une aile psychiatrique. Belle étude de société sur un air de joie.

mercredi 20 novembre 2013

Retrouver le plaisir

Autoportrait paru dans La Presse +
Pour retrouver le plaisir, il faut sortir de la routine. Ce que vous lisez ressemble à un vrac mais ne s’appelle pas un vrac. J’ai besoin de sortir des carcans que je m'impose !

Ce qui me frappe en ce mois de novembre dans le monde de la littérature québécoise, ce sont les Prix. Tous en même temps, juste avant le Salon du livre de Montréal où on en distribuera d'autres. J’en laisse pleuvoir quelques uns, vous allez voir que même les titres ont une saveur automnale :

Titre édité depuis 2011 chez XYZ, il en récolte encore et toujours : Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier : Prix des Collégiens

Chaque automne j’ai envie de mourir de Véronique Côté et Steve Gagnon chez Hamac : Prix des abonnés 2013 à l’hôtel de ville de Québec.

La maison des pluies de Pierre Samson des Herbes Rouges : Grand prix du livre de Montréal

La bande dessinée à La Pastèque Jane, le renard et moi de Fanny Britt (texte) et Isabelle Arsenault (illustrations) : 8e Prix du livre jeunesse des Bibliothèques de Montréal  ET  le Prix du Gouverneur Général

Librairie philanthropique
Quand je reçois un courriel me demandant avec des mots simples et gentils de faire mention sur Le Passe-Mot d'une oeuvre bénéfique et philanthropique, j’en parle, même si j’en ai déjà parlé. De toutes manières, les mémoires sont courtes, les têtes pleines, et les lecteurs varient !
Nous faisons un bénévolat depuis 4 ans qui consiste à recycler des livres en les revendant pas cher. Le but est de rendre la lecture accessible et les revenus servent à faire des dons de charité à divers organismes. C'est assez modeste, dans la mesure où nous réussissons à faire environ 3000$ de dons par année. 
Entre personnes qui font du bénévolat, il faut s’entraider.

Avez-vous remarqué ?
Avez-vous remarqué le bouton recherche en haut en droite « Rechercher sur ce blogue » Eh bien, ça fonctionne, vous savez ! C’est d’ailleurs en l'utilisant que j’ai vérifié ma mémoire qui prétendait avoir déjà parlé de la Librairie philanthropique. Vous pouvez demander les titres que j'ai déjà commentés, ou n’importe quels autres sujets, ma mère, Marsi ou la Gaspésie.

En parlant de MARSI (dessin ci-dessus, son autoportrait paru dans la Presse +)

Il faut bien que j’en parle puisqu’il fait parler de lui ! Petit mémo pour situer ceux qui en entendent parler pour la première fois, ou si vous préférez me lire Chez Venise, où je parle de ce mari qui entre au Musée des Beaux Arts la veille de ses 50 ans. Grosso modo, le Musée des beaux Arts de Montréal a proposé à 15 bédéistes de La Pastèque, dont Marsi, de sélectionner une œuvre de la collection permanente et de créer une planche (ou plusieurs !) s’en inspirant.

Une toile d’Alex Colville a été proposée à Marsi « Cycliste et corneille » Acrylique 1981. Marsi admire et suit ce peintre canadien depuis le cegep. Pour l'expo, il a dessiné trois planches qu’il a intitulées « Contre les règles ». Colville mesurait tout avec une règle et une extrême méticulosité avant de commencer à peindre. Sur la majorité de ses tableaux, sa femme y est, elle fut sa muse pendant 70 ans. Elle est décédée peu de temps avant que Marsi choisisse cette toile où elle enfourche un vélo et Colville est décédé peu de temps après, en juillet 2013. Mon bédéiste en a été quelque peu affecté, il en était à l'élaboration de ses planches de bandes dessinées qui pouvaient laisser présager un malheur.

Autre synchronicité, Marsi travaille depuis bientôt trois ans à un album (qui sera publié à La Pastèque en avril) dans lequel il a dessiné des cyclistes, des cyclistes et des cyclistes puisque c’est une histoire de cyclo-messagers se déroulant dans les rues de la ville de Québec. Pourtant, ce n’est pas Marsi qui avait choisi cette toile spécifique de Colville dont le thème est une cycliste sur son vélo. Il en avait pointé une autre qui n’était pas disponible. Quand il a vu la toile en remplacement de son choix, il l’a tout de suite beaucoup aimée et s'est dit, les ondes s'entendent pour que je dessine encore du vélo !

Ce sont des histoires comme celles-là qui me font dire que les ondes d’amour s’entrelacent dans l’univers.

J’espère que vous irez voir cette exposition originale, gratuite et disponible jusqu’à la fin mars.

vendredi 15 novembre 2013

Avis de décès - Les tribulations d'un croque-mort - Daniel Naud

Comment choisit-on ce métier marginal ? Comment assumer l’amour du métier sans passer pour un détraqué ? Comment ne pas s’en lasser ? Comment composer avec les émotions de compassion, de dégoût ? Comment l’embaumement se fait-il techniquement parlant ? Voilà un sujet délicat et mystérieux qui se doit d’être approché avec doigté, ce que Daniel Naud, thanatologue depuis une vingtaine d’années a réussi, dans ce petit bouquin sans prétention.

Daniel Naud a choisi d’approcher son métier en racontant des anecdotes, choisissant parmi les plus sensationnelles qu’il ait vécues. Le livre commence d’ailleurs par « La ligne de front » qui raconte la découverte d’un cadavre dans une auto en forêt un an après le décès. La deuxième « Les p’tits bonshommes verts » décrit, moult détails à l’appui, un pendu corpulent impossible à sortir d’un placard étroit. Malgré ma perception du sincère désir de l’auteur de décrire ces situations avec respect et élégance, le propos de ces deux chapitres est si dégoûtant que le ton est donné. J’imagine que plusieurs seront tentés d’abandonner leur lecture et ce serait malheureux, loupant certains chapitres plus sensibles. « Vivre sa mort », par exemple, relate l’histoire d’une famille particulière entourant les derniers désirs de leur aïeule, décidée à vivre pleinement ses obsèques.

Il ne faut surtout pas manquer « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir », chapitre trop court qui s’attaque au cœur du sujet. Ciblant directement la fonction d’embaumeur, je l’aurais d’emblée placé en tête. Je me suis demandé si l’option de placer les anecdotes sensationnelles au début ne révélait pas un manque de confiance envers l’intérêt suscité par le côté technique du geste d’embaumer.

La majorité des anecdotes racontées se déroulent pendant la période où Daniel Naud n’a pas acquis l’expertise d’embaumeur (il a par la suite étudié), son travail consistant donc à chercher les cadavres sur les lieux des accidents. J’ai trouvé le dernier chapitre (« Les fournaises de l’enfer ») lassant, le thème de la récolte pointilleuse de vestiges découlant d’une catastrophe ayant été largement couvert dans les chapitres antérieurs. Chaque objet, chaque lambeau de chair dénichés dans ce bus, transformé en tombeau pour 19 personnes, est décrit avec d’infimes détails, description pointilleuse des malaises physiques de l’exécutant compris.

La maladroite organisation des chapitres n’en fait pas pour autant un livre à éviter. J’ai été captivée par la passion candide de l’auteur pour son métier de thanatologue, et même d’écrivain.

À mon avis, Daniel Naud aurait gagné à partager la diversité de ses émotions, au lieu de nous en souligner une : la fierté. Cette émotion revient à tout moment, et de par son intensité, vient à prendre une teinte héroïque. J’aurais aimé plus de réalisme, apercevoir aussi les failles du héros, ses ratés, ses déconvenues, ses lassitudes. Même dans la pire des situations cauchemardesques, c’est la passion du métier qu’il fait ressortir.

Cette histoire plaira aux personnes pour qui le macabre offre un attrait certain, ou les personnes déterminées à en extraire le meilleur.

Bibliographie
Avis de décès – Les tribulations d’un croque-mort
Daniel Naud
PERRO Éditeur, 2013
246 pages

lundi 11 novembre 2013

Le frère du trapéziste de Denis Robitaille

J’aime ce genre de roman qui bouge, par l’action physique et psychologique, conservant son aura de mystère. Cette histoire dépasse le lecteur pour la bonne raison que le personnage principal est lui-même dépassé par ses actions et décisions, ce qui fait penser à la vraie vie. Si vous aviez à raconter votre histoire, est-ce que vous cerneriez parfaitement les leviers qui vous font agir, aller de l’avant ou reculer ?

La difficulté de résumer s’amène avec la pluralité des situations et des lieux. Une terre au Québec vers les années 1910, un vieillard acariâtre et ses deux fils, dont un, fuit très jeune l’ambiance morose pour aboutir trapéziste au réputé cirque The Barnum and Bailey. En 1912, Joseph, l’aîné enterre son père avec un soupir de soulagement, enfin, c’est lui le maître. Peu de temps après le décès, la découverte de papiers bouleverse ses plans ; il n’est pas l’héritier, c’est son jeune frère qui l’est. L’injustice apparait flagrante pour lui qui a soigné, et le père et la terre jusqu’à la dernière minute. Enragé, il quitte son ancrage et part en France, sans l'adresse en poche, pour retrouver son frère. Il compte lui réclamer son dû, la ferme familiale.

Commencent alors des trépidantes aventures qui dévoileront à Joseph des traits insoupçonnés de sa personne. Un être placé dans des situations extrêmes, l’amour précaire, les situations dangereuses, sa survie, une vie de saltimbanque pour le paysan qu’il est, et comme si ce n’était pas suffisant : la guerre. Tout le contraire de la stabilité et la paix de sa vie d’auparavant. Joseph désire retourner à ses racines ; la vie l’en empêchera-il, ou lui-même ?

C’est une histoire qui déborde de rebondissements. Un lieu sert de trampoline pour bondir en un autre. L’endroit mis le plus souvent à l’avant est, malgré tout, le monde du cirque, ses détails prosaïques, ses coulisses et sa scène, et vers la fin, le contexte de la guerre.

Joseph fera classe à part, la seule chose à laquelle il semble réellement attaché est une boîte à musique représentant un trapéziste, confectionné par un maître artisan, cadeau de son jeune frère à son père, le jour de son agonie.

C’est un roman mettant en relief certains contrastes : la stabilité versus la sédentarité, l’enracinement, l’errance. L’amusement ou le sens du devoir. L’idéalisation de l’être aimé. Être soi pour soi, ou pour répondre à ce que l’autre attend de soi. Le pouvoir des racines dans une quête d’identité. Et finalement, ce thème si cher à plus d’un auteur, le jeu des apparences.   

Le mystère, matière précieuse de ce roman, me permettra quand même d’avancer ce constat : deux frères, deux inversions. À travers leur individualité est polarisée la dualité de la vie.

Pour les amateurs de roman identitaire qui aiment le rebondissement, les déplacements (à la road novel) et les fins surprenantes. Un bonus appréciable, un personnage principal dépassé par lui-même.



mercredi 30 octobre 2013

VRAC en tête

Pourquoi les enfants courent-ils toujours après les pigeons ?
... est le dernier titre d’Arlette Cousture et sera disponible uniquement à partir de son site pour qui s’y abonne. Voici une couple de jours, avant la tempête médiatique, que Mylène Gilbert-Dumas a qualifiée dans un verre d’eau, j’avais repéré ce titre publié en numérique seulement sur le site de l’auteure. L’idée, qui a déclenché la douzaine de nouvelles, part de l’observation du pigeon. Vous connaissez mon faible pour les pigeons, ne serait-ce parce que je m’appelle Venise et mon mari, Marc. D’ailleurs, on y trouvera une nouvelle parmi la douzaine se déroulant sous le ciel italien au-dessus de la place Saint-Marc à Venise.

Difficile de ne pas relier cette idée d’Arlette Cousture avec celle de Marie Laberge qui a posté de 2008 à 2011 un roman sous forme de lettres pseudo personnalisées « Des nouvelles de Martha ».

Les deux auteures à succès disent avoir pris ces décisions pour se rapprocher de leurs lecteurs. Entre les lignes, lisons couper des intermédiaires pour augmenter la redevance au créateur de l'oeuvre. Bizarrement, leur destin se suit de près, l’annonce de une coïncidant avec celle de l’autre. Marie Laberge vient d'annoncer que la version numérique de Mauvaise foi, son petit dernier, sera disponible en version numérique uniquement sur son site, après avoir laissé s'écouler un mois dans les librairies. Le cas est différent bien sûr, mais si Marie Laberge le fait pourquoi Arlette Cousture ne le ferait pas un jour et plein d'autres écrivains ? Marie Laberge profite tout simplement du vide juridique et coupe des intermédiaires.

Il y a quelque chose de bon dans cette tourmente, elle met en évidence une absence de législation. Le marché de la numérisation vogue encore et toujours au gré des humeurs du moment. L’alarme a sonné pour que tout le monde s'assoie avec le ministère de la Culture pour établir une réglementation sur le numérique.

Une idée qui en vaut bien d’autres
Fusionner les bibliothèques et les librairies, une idée dont j’ai entendu parler en juillet 2013. Elle est bien exposée ici. Au premier coup d’œil, je trouve cette solution pas si bête mais peut-être que je n’en vois pas bien toutes les répercussions. De toutes manières, je n’en ai plus entendu parler, même pas à l’heure de la commission parlementaire sur la question du Juste prix du livre.

Suite de l’alerte rouge
Vous vous rappelez l’étonnant livre rouge, complètement anonyme, que j’ai reçu par la poste, faisant rougir par sa coquinerie ? Le mystère n’en est maintenant plus un.
Expression Rouge est une nouvelle collection de livres aux prix abordables (numérique 5,95 $ papier 8,95 $) écrits par des dames chevronnées de notre littérature, de celles qui savent doser l’osée. Bienvenue à ces récits intimes qui mènent droit au cœur du désir et du fantasme féminin.

Des nouvelles de moi et Marsi
Vous avez peut-être remarqué que dernièrement les billets s’espacent au Passe-Mot. C’est temporaire, je l’espère. Je ne pense tout de même pas vendre et acheter une nouvelle maison chaque année. Le site Le Passe-Mot est stable mais pas celle qui l’alimente ! Nous déménagerons de nouveau, passant de Cowansville à Magog. Presqu’un retour par chez nous pour ceux qui se rappellent notre séjour de sept ans à Eastman. En peu de temps, une vente de maison, par Du Proprio et un achat directement du propriétaire, ça occupe ! À noter que je souffle un peu, car le déménagement aura lieu pas avant le mois de mars.

Marsi fête ses 50 ans en grand cette année par une entrée de trois de ses planches de bande dessinée au Musée des Beaux-Arts. Le lancement de cette exposition bien particulière rallie le talent de quinze bédéistes de La Pastèque avec des œuvres hétéroclites de la collection permanente du Musée. L’exposition débute le 6 novembre, journée de l’anniversaire de mon chéri, et se poursuivra jusqu’au 30 mars 2014. J’espère que vous ne manquerez pas l’occasion de voir ce jumelage de l’illustration avec des œuvres qui peuvent être une sculpture, un tableau, une chaise....). C'est un rendez-vous ?


dimanche 20 octobre 2013

Le vent en parle encore de Michel Jean

Quel merveilleux titre ! Pas seulement pour ce qu’il charrie de poétique, mais pour sa justesse. Une fois le roman reposé, je l’entends encore siffler lugubrement, ce vent, fouetter les murs de cette prison nommée pensionnat, par les représentants du gouvernement, aux parents des Inuits pour leur arracher leurs enfants.

Cette histoire nous rappelle une mauvaise farce, qu’on aimerait effacer, de ces enfants autochtones pris en otage au nom du savoir, arrachés à leur famille pour aller s’instruire, se civiliser, se convertir. Et dans un fort, le Fort Georges, sur une île située au bout du monde.

Dans cette histoire romancée qui part de faits réels, Michel Jean approche de son viseur trois adolescents de quatorze ans aux caractères différents ; un garçon Thomas, l’étrange, les amies d’enfance, la courageuse Virginie et la vulnérable, Marie.

À l’arrivée dans un nouveau lieu (le pensionnat Fort Georges), quand la première chose que l’on fait est de retirer ton nom pour le remplacer par un numéro, de te battre parce tu ne comprends pas assez vite, de t’interdire de parler ta langue, le ton est donné. L’auteur n’y va pas avec le dos de la cuillère mais avec la frappe d’une masse. Tous les genres d’abus y passent, condensés qu’ils sont dans l’histoire de ce trio solidaire qui tente de se défendre tant bien que mal. Je me suis prise à espérer que dans la vraie vie ce fut un peu moins terrible, que ces horreurs documentés se soient étalés sur une période plus longue que l’année vécue du roman. Nous vivons en direct, sans filtre, les injustices, les mauvais traitements, le manque de soin et de nourriture, les tâches ingrates, divers sévices corporels pas loin de la torture, les prêtres dictateurs ou, d’autres, carrément maniaques sexuels organisant des orgies au dépend des élèves.

Ce qui fait que j'ai apprécié les moments d’accalmie, entre les allers et les retours du présent (2008) au passé (1936) lorsque l’objectif s’arrêtait sur Audrey Duval, l’avocate ne démordant pas de sa mission : retrouver un à un les absents de la liste pour leur apporter un dédommagement financier, ou à tout le moins du réconfort.

Si Michel Jean a voulu déterrer les vestiges d'une calamité pour les remettre à la lumière du jour, exploit réussi. Nous verrons en pleine lumière les visages de ceux qui n’oublient pas, je pense particulièrement au personnage de Marie. L’argent et le regret ne rachètent pas, ni ne réparent, mais que l’on apprenne les faits, que cesse tout semblant de conversion à une vision élue vérité.

Vous l’avez compris, le propos est dur, le lecteur doit se réveiller, on ne prend aucune chance qu’il ne comprenne pas. Heureusement, la touche magique du romancier fait l’offrande de la solidarité, de l’amitié indéfectible, de l’amour passion chez trois adolescents. Du miel parfumé et onctueux pour faire avaler l’amère pilule.  

mercredi 16 octobre 2013

Cher trou de cul de Annie Quintin

Déjà avec un tel titre, on sait que l’on doit s’attendre à une bonne dose d’humour, léger et un peu facile, avouons-le d’emblée. Cette histoire se classe sans l’ombre d’une hésitation dans le genre chick litt pur et dur .

Nous retrouvons, parait-il, les mêmes personnages que dans son premier roman, Désespérés s’abstenir que je n’ai pas lu. Un trio tissé serré, un homosexuel, Yan, Mélodie, l’amie effacée, et l’héroïne, la spectaculaire Clara. Celle-ci, on s’en doute par le titre, est en colère puisqu’elle a été « flushée », et par Internet en plus. Après 72 jours d’une relation idyllique et fusionnelle avec Damien, celui-ci parti au loin à cause de son travail, la congédie de sa vie. Un homme pas très en moyen financier, tendre et patient, et rien pour gâter la sauce, vedette dans un groupe de musique. Il m’a semblé presque parfait, comparé à la chère Clara, au caractère pas évident du tout. Si celle-ci n’avoue pas aisément ses faiblesses, contrairement à Damien, elle occupe un travail la mettant à l’abri du besoin, et c’est le moins que l’on puisse dire. Contrairement aux coutumes littéraires de la chick-litt, où c’est généralement l’homme qui a de la difficulté à s’engager, ce sont des lèvres de Clara qui ne sont pas capables de prononcer le « Je t’aime » d’usage lorsque l’on voue un amour dévorant pour l'autre.

Des chapitres dispersés étalent, jour après jour (jour 1, 2, 3 jusqu’à 72) la folle romance de Clara et Damien, la passion euphorisante des premiers moments. D’autres chapitres nous renvoient à la rancœur de Clara qui rejette la trahison de Damien par tous les pores de sa peau. On voit la jeune femme passant par plusieurs phases, tentant d’évoluer en même temps que sa douleur cuisante. Ses amis l’entourent, même si au départ Yan la laisse tomber, il restera toujours la discrète Mélanie, cette cachottière amie.

Les ex joueront leur rôle : venir mettre des bâtons dans les roues du couple vedette. La vie de famille à l’italienne de Clara noircira plusieurs pages. La jeune femme dans la vingtaine avancée, n'habitant pourtant plus le toit familial, rejette en bloc sa mère, aussi férocement que n’importe quelle ado de 15 ans. Parmi tout ce chaos, l’organisation du shower de sa sœur ainée lui est confiée.

Ce roman mené avec dynamisme et entrain est inondé d’un humour bon enfant (pour ne pas dire bonne jeune fille !) mais prière de ne pas s’attendre à de grosses surprises. Le côté le plus inhabituel viserait la dernière partie que l’on pourrait appelée la réhabilitation. C’est rare que l’on prend l'option d’exposer la phase de raccommodage des morceaux dans un tel souci du détail. Ceux qui aiment savourer les fins s’en feront une joie.

Je ne suis décidément pas la candidate de ce genre de roman convenu où la vie de couple est abordée uniquement sous l’angle des débuts exaltants, parce que dangereux, ou dangereux parce qu’exaltants. Ces histoires où il serait facile de tirer sur une ficelle pour dénouer l’impasse, par exemple avec une conversation mature liquidant les malentendus un à un. On étire ce moment jusqu’à la fin parce que sinon, il n’y aurait plus, ô malheur, d’histoire à raconter. 

lundi 7 octobre 2013

OCTOVRAC

Un avantage d’habiter Montréal
À votre place, habiter la région de Montréal, je ne manquerais pas cette rencontre avec Josée Blanchette. Vous ne trouvez pas que cette femme est une de nos communicatrices aussi efficaces que judicieuses et qu’en plus, elle a une belle plume ? La librairie Monet la reçoit, jeudi le 10 octobre à 19 h 30. Elle abordera ses thèmes de prédilection, le sexe, le mariage, le deuil, les hommes, son propre personnage de femme et de mère, et tout ce qui fait le piquant de la vie.

Elle est un club des ex à elle seule : Ex-chroniqueuse gastronomique, ex-courriériste du coeur, ex-blogueuse, ex-célibataire, elle a écrit pour les principaux magazines québécois et s'est fait entendre à la radio et à la télévision. Son dernier livre, illustré par le photographe Jacques Nadeau s’intitule : Sans ménagement: confidences. Un titre très à propos pour celle qui ne ménage personne, en femme directe et franche qu'elle est.

Éditions La Peuplade : 2 auteurs, 3 prix
Les Éditions La Peuplade ont récolté trois prix littéraires au Salon du livre du Saguenay-Lac-St-Jean :
Frédérick Lavoie avec son récit Allers simples : aventures
journalistiques en Post-Soviétie  reçoit le prix Récit 2013 (de la catégorie Récit, théâtre, contes et nouvelles) et le prix Découverte 2013.
« Le jury a reconnu les qualités réflexives de l’ouvrage : « Les lieux qu’il visite en Biélorussie, en Abkhazie ou en Russie ne sont que les prétextes d’une thèse beaucoup plus complexe ».
Marie-Andrée Gill avec son livre poétique Béante, gagne le prix Poésie 2013.
Le jury s’exclame « Authentique, l’écriture ne laisse pas indifférent. Avec
des expressions inédites, la voix de l’auteure chante la vie, la terre, les
astres et les humains... »

Avis de décès. Les tribulations d’un croque-mort
À chaque fois que je vois les trois premiers mots de ce titre dans mes messages, je fais le saut. La meilleure manière de m’en sortir est d’en parler. Daniel Naud est la meilleure personne pour démystifier le travail des thanatologues puisqu’il pratique ce métier depuis des années. Avis de décès. Les tribulations d'un croque-mort se présente sous forme de petites histoires qui racontent les dessous du métier. Humour, étonnement, candeur, horreur, la gamme complète des émotions est à prévoir. Il parait que si vous avez aimé Six pieds sous terre (Six Feet Under), vous adorerez !
En librairie le 16 octobre
Lancement le 30 octobre dans un Salon funéraire de Baie Comeau
Avis de décès. Les tribulations d’un croque Mort – Daniel Naud - Perro Éditeur, 248 pages, 14,95$

Livre à juste prix
Est-ce que le brouhaha de cette épineuse question vous est parvenu aux oreilles ? Si ce n’est pas le cas, sachez que différents ambassadeurs du milieu littéraire se sont présentés à la Commission parlementaire pour faire valoir leur point de vue. Les membres de la Commission ont d’ailleurs siégé plus de 30 heures et ont entendu plus de 40 groupes. Ces groupes étant bien sûr formés d’individus, desquels j’ai eu des échos. Plusieurs sont sortis impressionnés, ce n’est pas évident de préparer un dossier et d’avoir l’aplomb de le défendre devant une Commission. Une performance très remarquée fut celle de monsieur Denis Vaugeois que vous pouvez entendre ici.
À l’heure qui l’est, on attend que le ministre Maka Kotto fasse ses devoirs.
 
photo prise par Michel Jean qui l'a aussi reçu
L’alerte rouge
Un de ces bons matins, Marsi vient me porter dans mon bureau deux colis, ce sont tout probablement des livres. Pour un des colis, j’en doute, l’enveloppe bulle est faite d’un métallique rouge pétant. Je l’ouvre fébrilement et découvre un mini livre rouge au cartonnage glacé. Je le retourne de tous les côtés, l’ouvre, cherche, fouille... Je ne trouve pas de titre, ni de nom d’auteur ! Je survole quelques phrases, c’est vraiment une histoire. Mystère et boule de gomme que je m’empresse de partager sur Facebook, que tous se surprennent en même temps que moi. Quelques heures plus tard, j’apprends que nous sommes quelques uns à avoir reçu cet étrange colis. Les mises sont ouvertes : qui est le signataire de cette initiative que l’on devine promotionnelle ?

Après un tâtonnement digne d’une scène de vaudeville, ouvrant et fermant certaines portes, supportée par mes détectives privés, je vous fais part de la conclusion : ce serait un coup de marketing fumant de Groupe Librex pour sa nouvelle collection érotique. Un des faits est vérifié, l’histoire est coquine à souhait.

la suite plus tard ...parce que bien évidemment, il y en aura une.

lundi 30 septembre 2013

man de Kim Thúy

Quel plaisir de lire ce recueil, que je tiens entre mes mains, comme un objet précieux. Je le nomme recueil pour la phonétique qui amène au mot recueilli. Kim Thúy a un style qui appelle le recueillement, probablement pour sa cueillette amoureuse et méticuleuse de chaque mot.

Chacun des mots et des phrases qu’elle pose sous nos yeux ont un poids qui se sent à qui sait sentir. Dans la marge de droite, à presque chaque page, un mot ou une expression sont déposés en vietnamien avec en-dessous son équivalent en français : « rose et parfois rouge, « miroir », « sel », « respirer », « saluer les ancêtres ». Cela m’a fait penser à des titres de poème.

Sa vie de femme mariée, de maman, d’amie et de cuisinière, par sa plume, sonne comme une poésie du quotidien. Son écriture est pesée et posée, ses silences laissent respirer les mots. Ce qu’elle nous livre est concentré et concis, avec un tel style, on s’attendrait à de la retenue et de la pudeur et, surprise, non. Dans man, elle lève le voile sur ses émotions intimes. Je l’entends encore préciser à Josélito Michaud, qui l’interrogeait dans On prend toujours un train pour la vie, que Ru n’était pas un roman qui parle d’elle, tandis que le prochain le serait. C’est le cas.

Là où je l’ai trouvée la plus touchante est dans la relation avec sa mère, qu’elle fera venir au Québec, et un homme qu’elle rencontre en France. Cette dernière histoire lui fera découvrir des émotions inconnues d’elle jusqu’à ce jour. Viendront-elles troubler la quiétude de sa vie familiale, jusqu’où laissera-t-elle cet homme bouleverser sa vie rangée ? Avec son mari, c’est l’entente tacite, le convenu prévaut et les émotions ne sont pas à l’honneur.

Elle nous offre ces filets de confidences, à saisir entre deux fumets de mets vietnamiens, qu’elle cuisine pour gagner plus que honorablement sa vie. Pendant que son cœur est monopolisé, elle remplit son temps en accomplissant des journées de 15 heures de travail, en plus de ses rôles de maman et d’épouse. Avec Julie, sa complice, sa sœur d’adoption, elle est totalement elle-même. Elles iront loin dans leur ambition d’offrir un service de traiteur à la hauteur de toutes les attentes.

Ceux qui aiment la finesse d’esprit et de style, les curieux de la nourriture vietnamienne, les dégustateurs de discrètes histoires d’amour seront avides de lire man, et plus encore s'ils craquent pour la personnalité pétillante de Kim Thùy.

mercredi 25 septembre 2013

La maîtresse de Lynda Dion

Je suis tentée d’immédiatement faire allusion au premier roman, La Dévorante, cette œuvre fondatrice d’un style, celui de Lynda Dion. Des mots qui déboulent, sortent par jets, se figent, repartent de plus bel pour se jeter à corps perdu dans une émotion. Sans accent. À vous de les ajouter, si ça vous tente.

La maîtresse cible une seule et même personne, l’auteure qui ne s’en cache nullement. La dévorante ne s’efface pas devant ce portrait de maîtresse, elle est toujours présente.

Lynda Dion est maitresse d’école, de métier, mais de vocation, elle en doute régulièrement. Je m’attendais à des confidences poussées, non censurées sur cette profession ardue par les temps qui courent. C’est ce que j'ai trouvées mais, ô surprise, s'intercalent des chapitres sur les coulisses de l'écriture de La maîtresse. Y sont relatées les rencontres avec son directeur littéraire, s’y ajoutent des confessions sur le doute ravageur, les tiraillements qui paralysent, des crises d’identité qu'on peut résumer en cette cuisante question ; est-elle une écrivaine, ou non ?

Mes chapitres préférés vont pour ceux traitant de sa tâche de maîtresse. Les profs doivent maintenant mener leur classe avec une autorité sans faille, sans égratigner les susceptibilités des jeunes. Ils avancent sur une corde raide. Cette réalité diffère de ce que j’ai vécue, delà mon intérêt de voir de près comment cela se passe et d'en réaliser les impasses. On y trouve plusieurs anecdotes éloquentes, pas loin d'amusantes (même si ce n'est pas le ton abordé par l'auteure) qui partent de l’étudiant qui exige trop d’attention à celui qui n’en exige pas assez.

Par ma lecture de La Dévorante, je savais Lynda Dion encline à poser un regard sévère vis-à-vis elle. Avec La maîtresse, je vais plus loin, elle semble éprouver du plaisir à creuser les tréfonds de son être, pour repérer et dévoiler ses torts et retors. J’aime les confidences, j’aime l’audace de l’impudeur, pourquoi cette fois-ci, y ai-je pris moins d’intérêt ? Je tenterai d'y répondre.

Les chapitres consacrés aux doutes liés à l’écriture, interposés à ceux de la maîtresse, m’expulsaient des ambiances qui tentaient de s’installer. Quand je commençais à prendre mes aises, j’étais stoppée de l’action par le faisceau fixé sur les coulisses de l’écriture, ce qui diluait ma concentration. J'avais à repartir à zéro dans l'ambiance "maîtresse" à chaque fois.

Viser l'angle dominant de la torture par le doute, les continuelles et lancinantes remises en question, vérifier pourquoi le moteur n’embraye pas, visiter les inhibitions, les réticences, c'est s’attarder sur les freins plus que sur le moteur. Déjà que l’auteure gratte chaque geste qu’elle pose en tant que maîtresse, se remet inlassablement en question, en tant que maîtresse, faisant ressortir des boule-à-mites les affres de son enfance, c'était suffisant comme mouvement introspectif. Les chapitres sur la remise en question de celle qui se remet en question ont fini par donner un son plaintif à mes oreilles. Un peu comme la crème fouettée, c’est délicieux en torsade sur le sommet d’un dessert, mais engloutie par larges cuillères de bois, ça peut lasser les estomacs les plus solides.

À moins que ce soit le manque de recul face à ce doute, émotion torturante pour qui la fait entrer à pleine porte, ce qui est le cas de Lynda Dion. Je prise pourtant l’émotion habituellement, je m’en approche avec plaisir et confiance. Peut-être est-ce un malaise devant l’auteure submergée, optant pour ne rien camoufler de ses démons intérieurs, j'en arrive à éprouver une sensation semblable à celle devant une téléréalité, m'interrogeant sur la part d'exhibitionnisme.

Malgré un excès dans la dose d'introspection, celle-ci étant déjà suffisamment percevable à chaque ligne, je m’empresserai de revisiter les "LA" de Lynda Dion 

jeudi 19 septembre 2013

Le mouvement naturel des choses - Éric Simard

Transparence complète, je connais déjà Éric Simard et j’avais le goût de mieux le connaître. Premier réflexe lorsque nous rencontrons une personne pour la première fois, qui nous intrigue parce qu’elle nous intéresse, déterrer ses racines. Attente comblée, après cette lecture, j'en ai entrevues quelques unes.

Je n’ai qu’un mot en tête, je vais le cracher tout de suite, puisqu'il obstrue tous les autres : généreux. Une personne qui se donne à son lecteur à ce point-là m’impressionne. Le principal intéressé dirait probablement qu’il a posé des filtres, mais comparativement au commun des mortels, si peu.

Comment Éric Simard se livre-t-il ? Par jour, par mois, par année, au final sept (1989 à 1997), à partir de journaux intimes tenus passionnément en ces années-là. Comment faire tenir huit années dans 400 pages, tout en conservant la forme journal ? On parle de travail de réécriture ici. D’un puissant recul qui pousse la lucidité dans ses derniers retranchements. De don pour donner et tenir un rythme.

J’ai lu comme une boulimique. J’ai dû me taper sur les doigts pour me ralentir. On suit le personnage pas à pas, mais jamais dans des moments d’insignifiance. Je fais ici une différence nette entre la superficialité et l’insignifiance. Si toutes les téléréalités touchaient autant à l’humain dans son désir fondamental d’être aimé tout en restant soi-même, sans concession et marchandage, je serais probablement preneuse.

Dans ces jeunes années, déjà, un besoin vital fait vibrer son être : écrire. C’est son encrage. Il part des projets, les honore ou pas, mais revient inlassablement à l’écriture, ne serait-ce que celle d’un journal. Ses confidences, je l’ai dit, sont généreuses, en plus de directes et honnêtes. Il ne se ment pas à lui-même donc ne nous ment pas. Il ne cache donc pas, sous une fausse humilité, son vif désir d’être publié. On assiste à sa démarche d’auteur qui poste des manuscrits, qui lui reviennent, accompagnés de lettres de refus majoritairement impersonnelles. Et, inlassablement, il revient à la charge.

Cette aspiration à l’édition n’est que le fond du décor de la plongée dans un moi de jeune homosexuel à ses premières aventures assumées. Comment reconnaître le bon partenaire avec qui le plaisir sera à son comble, en même temps que la finesse du sentiment ? Vouloir tout avoir. La terre de la séduction est vastement explorée, jour après jour, heure après heure. Comment reconnaître les mâles non affichés homosexuel, ignorant eux-mêmes leurs élans ? L’ambigüité est un thème récurrent, et captivant, parce que développé, décortiqué, autopsié, pas seulement chez l’auteur également chez les gens qu’il croise. Son amitié fervente avec une femme, ses tentatives matrimoniales, ses relations assidues avec sa famille, ses nombreuses tergiversations avec son métier de libraire nourrissent des paragraphes lancés comme autant de messages à la mer, au cas où un lecteur, un jour, les attraperaient. Et on les attrape, assouvissant une soif qu’on n’ignorait intense à ce point, de voir un être essayer de se trouver, lui, à travers les mirages perçus dans le regard des autres.

Ce que j’ai trouvé de plus ferme, de plus confiant chez ce jeune homme est son sens critique de l’univers culturel. Il nous transmet, avec une brièveté et une acuité hors du commun, ses impressions sur des romans, des films, des spectacles, des disques. Il est avide du geste créateur des autres, il l’engloutit, en retire beaucoup. C’est une planche de salut sur laquelle il monte pour éviter de sombrer durant les moments torturants. 

La fin. Parce que si je suis avec vous pour en parler, c’est qu’il y a eu un point final, quand en fait, ce jeune à qui on s’attache fortement parce qu’il nous a fait entrer dans son intimité, ne meure pas. L’unique raison de l’abandon est que l’année est terminée. Ça m’a ramenée au mouvement continuel des choses, je dis bien « continuel », pas « naturel », car ce ne l’est pas, naturel, et cela ne le sera jamais, d’être abandonné par une personne avec laquelle on a passé de si bons moments.

Et bravo pour l’excellente idée de recenser dans un lexique les œuvres commentées au fil du livre !

mercredi 18 septembre 2013

La constellation du lynx - Louis Hamelin

J’en suis à rédiger un commentaire sur La Constellation du Lynx, ce fameux roman sur la Crise d’Octobre. Je dis « fameux » pour l’appréhension que j’ai éprouvée avant de le lire.

Pour situer l’Histoire dans l’histoire, je résumerai la Crise d’Octobre dans ce style télégraphique. Deux enlèvements : le premier, le 5 octobre, l'attaché commercial du Royaume-Uni, James Richard Cross, par une cellule armée du Front de libération du Québec (FLQ), le deuxième, le 10 octobre, le ministre provincial du travail, Pierre Laporte par une autre cellule du FLQ. Le 15 octobre, la riposte gouvernementale, mise en place de la Loi des mesures de guerre canadiennes. Le 17 octobre, découverte du corps de Pierre Laporte à Saint-Hubert dans le coffre d’une voiture, le 3 décembre, délivrance de James Richard Cross, le 28 décembre, arrestation des meurtriers de Pierre Laporte.

Un journaliste, Samuel Nihilo, s’est mis en tête d’extraire de la vérité entendue, ses faussetés, qui ont traversé quatre décennies : de 1960 à 2000. On se doute bien que le journaliste est l’alter ego d’Hamelin.

Pour se donner la liberté de manier la réalité à sa guise et se tenir loin de toute revendication postérieure à la publication, l’auteur a baptisé la majorité des personnes d’un autre nom, assez souvent farfelu, Chevalier Branlequeue par exemple, tandis que certaines personnes, René Lévesque pour le nommer, ont conservé leur nom. Option qui en fait déjà une lecture exigeante. Mon esprit continuellement en mouvement entre l’histoire de Hamelin et les faits médiatisés, avec les vrais noms, a déjoué ma tentative de m'abandonner. Je ne suis pas arrivée à ce lâcher prise : « J’ai totalement lâché prise sur les faits et ai abordé ma lecture comme un roman, point ». Je n’ai pas su y arriver, la raison en est fort simple, si La Constellation du lynx avait été de la pure fiction, je l’aurais abandonnée avant la fin. À mes yeux, le roman prend sa valeur parce qu’il est basé sur l’actualité de cette période pénible. Avec cet ingrédient essentiel, le recul, Hamelin pointe les dérives, souligne la manipulation des masses par le gouvernement, faisant sortir les couleuvres que l’on nous a fait avalées. Cette minutieuse et consciencieuse tentative mérite la lecture. 

S’il n’y avait de couché sous ses lignes un pan épais de notre histoire, les va-et-vient incessants dans le temps et les événements m’auraient eue à l’usure. J’aurais aimé me nourrir de la motivation du journaliste à soulever la nappe mensongère pour y étaler la vérité, une vérité. Je me serais attendue de Samuel Nihilo qu’il maîtrise un peu plus son enquête. Tandis que la portée lourde des événements pousse le personnage dans le fond du décor. L’histoire prend le pas sur tous les personnages, surtout, le personnage principal. C’est un essai déguisé en roman et il a été démasqué. Par exemple, je n’ai vu aucun critique relever l’histoire d’amour du personnage principal avec Marie-Québec. 

Je passe aux aveux. Une partie de ma difficulté de lecture vient d'une coriace résistance à ces événements que je préfèrerais oublier. J’ai à la limite honte de cette partie de fer du gouvernement et du FLQ. Bien entendu, la tendance va à tirer les flèches sur le plus fort, qui abuse de son autorité, mais les cellules du FLQ ne m’ont pas sourie non plus. 

J’ai trouvé le style d’Hamelin pointilleux, ingénieux avec une signature bien étampé. Ce genre de style qui loin de la simplicité, riche, parsemé d’images savantes et extravagantes. Combien de fois ai-je lu et relu des passages, par admiration, parce qu’il m’arrive, quand je ne comprends pas, d’admirer.

mercredi 4 septembre 2013

Écris-moi, Marie-Jeanne de Ginette Durand-Brault

Qu’est-ce que peut bien donner le premier roman de Ginette Durand-Brault, une juge à la retraite qui a toujours désiré écrire ? La question m’intriguait. 

L’histoire se déroule en 1939, à St-Jérôme, à la veille de la deuxième guerre mondiale. Marie-Jeanne a un frère, Rodrigue qu’elle a élevé et qu’elle chérit comme son fils. Celui-ci tient mordicus à se porter volontaire, avec un ami, au grand dam de sa sœur qui s’inquiète déjà. Le pacte entre les deux : s’écrire le plus souvent possible.

L’histoire de Marie-Jeanne est un roman en soi : un mari mauvais, une ribambelle d’enfants (plusieurs filles, un fils), qu’elle n’a pas désirés plus qu’il ne le faut. Il est facile à parier que si elle vivait aujourd’hui, Marie-Jeanne serait une heureuse divorcée, menant une carrière d’enseignante, sans enfant sorti de ses entrailles. Autre temps, autres mœurs, elle est en ces années, une femme de devoir et, si jamais elle y manque, son bourru de mari la remet dans la voie tracée pour elle : mettre au monde des enfants, cuisiner et torcher. Une échappatoire pour elle ; les lettres à son frère, que son mari lui reproche d’aimer plus que leur fils, et une amitié particulière avec un homme. J’ai beaucoup aimé cette partie de l'histoire, au Québec, malgré la couleur uniformément noire de l’homme de la maison. J’ai de la difficulté avec l’absence de nuance d’un personnage. C’est moins crédible et, en plus, on prédit sans peine ses réactions.

Dans la première partie de l’histoire de Rodrigue, on suivra son entrainement intensif et l'interminable attente d’un appel : où, quand, sera-t-il envoyé se battre. Deuxième partie, les péripéties de celui qui se lève pour aller tuer le plus d’hommes possible. Dans ce contexte, j’ai apprécié que l’ennemi ait un visage humain. Avant d’être envoyé au combat, il rencontrera l'amour.

Je me suis foncièrement attachée à cette Marie-Jeanne, facile d’approche. On compatit avec sa condition de femme instruite confinée au foyer par le mâle ignare. Celle de Rodrigue est toute aussi captivante, c’est la première fois que je lis un roman me faisant à ce point comprendre la vie des soldats québécois. Les situations sont décrites avec précision et satisfont les réponses aux questions les plus pointues.

Là où le bât blesse, c’est au niveau de la correspondance. Ceux qui me connaissent savent pourtant que j’apprécie les romans épistoliers mais, ici, je l’ai remise en question. Au détour d’un chapitre, la parole est donnée au frère ou à la sœur avec, parsemées ici et là, leurs lettres. Par souci de réalisme j’imagine, l’auteure prend soin de nous situer dans le temps, dévoilant les décalages, parfois de quelques mois, pouvant survenir entre l’écriture et l’arrivée d’une lettre. En optant pour cette technique, le risque était grand de se répéter, et ce fut le cas. Il arrive que nous apprenions des parts d’intrigue en lisant une lettre, mais certaines fois, l’histoire que l’on a apprise de la bouche du frère ou de la soeur se trouve répétée, en d’autres mots, dans la lettre.

La rumeur court que Ginette Durand-Brault récidive avec un deuxième tome. J’aime Rodrigue et Marie-Jeanne et l’auteure nous laisse devant une porte grande ouverte sur leur destin. Si l’auteure opte pour un roman, sans le marbrer de courants de lettres, nous risquons d’être devant un excellent deuxième roman.

Histoire à suivre...

mardi 3 septembre 2013

Retour d'outre-mer de Julia Pawlowicz : Québec en septembre

C'est officiellement ma première lecture dans le cadre du deuxième défi passionné "Québec en septembre", défi que se donnent une cinquantaine de participants. Pour moi, le défi consiste essentiellement à ne pas oublier de mentionner mes lectures sur la page Facebook aménagée à cet effet par très dynamique Karine:), celle avec un sourire au bout de son prénom. Autre défi que je me donne, lire plus et commenter plus rapidement afin de me donner un gros chiffre à la fin de mois. Pourquoi pas ? On se stimule comme on veut, comme on peut, et ce qui compte est que notre littérature sorte de certain carcan de préjugés. Et que de nouveaux auteurs émergent à nos yeux, même si eux, ont déjà émergé depuis belle lurette.

Retour d'outre-mer est la Recrue du mois jusqu'au 15 septembre avec quatre opinions assez différentes, merci. Je ne l'avais pas fait apparaitre ici, ce que je fais habituellement, en me basant que les lecteurs diffèrent d'un site à l'autre, comme d'une librairie à l'autre. 


Quand l’émotion intime rejoint l’universel

Lorsqu’un récit commence par « Leur père est mort » et que la suite dégage une odeur de règlement de compte avec le passé, la lectrice en moi tremble; vais-je aimer cet autre roman introspectif à la quête d’identité? Mais rapidement, le style m’a happée et je n’ai plus eu le choix de suivre Maria, passant par son père, son frère, son ex-amoureux, sa mère, pour tenter de se comprendre.

La beauté de ce roman réside d’abord dans le style concentré qui génère continuellement des images fortes. L’auteure part de l’intimité pour aller rejoindre la collectivité. Même si nous n’avons pas été déracinés deux fois comme Maria (Pologne, Algérie pour aboutir à Pointe-aux-Trembles), qui ne s’est pas demandé si l’ailleurs n’était pas la solution au bonheur.

La dualité de Maria est incarnée dans le caractère de son père et celui de sa mère. Son père représente la stabilité, l’enracinement reconnaissant et conscient. Sa mère est l’oiseau volage, en quête d’un jardin plus fleuri, toujours dans le pays qu’elle n’habite pas. Son mal de vivre est sa seule racine. Elle vit à travers sa fille, elle l’aime comme un bien dont on dispose. Le fils, arrivé par surprise, n’est pas le bienvenu mais sera un palliatif pour apaiser l’anxiété de sa sœur.

Ce roman aurait pu prendre des allures dramatiques, le propos n’est pas léger, mais le style décalé de l’auteure nous évite d’aborder la douleur de plein fouet. Est-ce parce que le passé est servi au temps présent, ou parce que Maria se présente par un pronom indéfini (il ou elle), ou la constellation d’effluves poétiques, le cri de la douleur s’entend en sourdine. Cette approche particulière m’a conquise.

mardi 27 août 2013

Les portes closes - Lori Saint-Martin

Les portes closes s’ouvrent sur les secrets d’un couple, Philippe et Catherine. Philippe est le personnage vedette du couple, peintre renommé et indépendant de fortune. Catherine, peintre elle aussi, se fait discrète. Ses toiles représentent des natures mortes, celles de Philippe éclatent de vie, de celles de femmes radieuses de beauté. Ses modèles, il en tire le meilleur, capture leur âme, les consomme, puis les jettent. Il leur indique la porte et elles ne reviennent pas.

Catherine a donné la vie en mettant au monde trois filles et a payé le prix de ce choix. Philippe n’en désirant pas vraiment (peut-être parce qu’il crée la vie en passant par ses tableaux), c’est Catherine qui en a principalement assuré la responsabilité. Elle a dû retrancher plusieurs heures de sa création pour les élever et accomplir les tâches ménagères, dont la préparation des repas, dont elle s’occupe encore, même les enfants partis.

Lori Saint-Martin nous ouvre les portes closes de chacun des ateliers d’artiste, celui de Philippe qui reçoit ses modèles et celui de Catherine, dans lequel n’entre habituellement personne. Précisons un fait important, les deux ateliers sont sous le toit de leur spacieuse résidence.

À tour de chapitre, Philippe et Catherine se confient au mode « je », comme à un journal. Le lecteur arpentera ainsi trente-cinq années de vie d’un couple partageant le même toit, le même travail, les mêmes enfants. La juxtaposition de ces deux visions est une manière captivante de dévoiler, pelure par pelure, la vie d’un ménage qui a persisté malgré la proximité. Jusqu’où doit s’étendre le jardin secret de personnes vivant si près une de l’autre ? Ce roman aborde de près les limites de l’intimité dans un couple.

Le roman est mené d’une main de maître, un striptease lent et efficace du couple, aux yeux du lecteur uniquement ; si Philippe lisait ce que Catherine écrit, le couple éclaterait-il ? Même question du côté de Catherine. Pas de cette sensation de voyeurisme pour le lecteur, la progression maîtrisée nous laisse du temps pour voir et du silence pour réfléchir. Pour anticiper. Pour extrapoler.

L’auteure expose à notre esprit un certain tableau de couple, elle ne le commente pas, nous laisse la liberté de le faire. Je la prendrai, cette liberté. Ce couple a fait mal à mon sens de la justice sociale, avec ses airs de femme à l’ombre du grand homme, se tenant quasiment dans la position d'une mère monoparentale. L’art de Lori Saint-Martin est de ne pas mener son propos par ce bout là des choses, je le répète, elle n’entre pas dans la chambre du jugement. Et, pour cela, je salue le savoir-faire. J’aime cette latitude laissée au lecteur.

Je lui ai trouvé un style sobre, assuré et précis, bref, un style des plus efficaces.

J’ai déjà hâte de lire le deuxième.

dimanche 25 août 2013

Michel Rabagliati, Delaf & Dubuc sur une même tribune !

À l'écoute d'une question du public
Aux Correspondances d'Eastman, sur la même tribune, Michel Rabagliati, Delaf et Dubuc (Nombrils) ? Vous n’alliez toujours bien pas penser que Marsi et moi allions manquer cette chance inouïe ! Je dis inouïe car, il est possible qu’ils partagent de nouveau une estrade pendant un Salon du livre, mais cela risque d’être fort différent. La détente qui régnait en ce dimanche midi était exceptionnelle. Se diriger vers le grand chapiteau et voir Delaf et Dubuc à l'entrée, en conversation, aller les rejoindre, prendre dix minutes pour converser de tout et de BD. L’effet de l’oxygène, l’odeur du bois, l’intimité procurée par l’arc des arbres penché au-dessus de nous fait que ce ne sont plus des renoms qui entrent sous le chapiteau mais des prénoms : Marc et Maryse.

Michel Rabagliati - Tout sourire
Michel Rabagliati 
Michel n’a pu profiter des bienfaits de cette détente pré-causerie puisqu’il est arrivé sur les chapeaux de roue. Dominic Tardif, l’animateur et le duo étaient déjà installés sur l’estrade. Après une brève présentation, la première question tombe, elle est pour Michel qui n’a pas eu le temps de reprendre son souffle : « Comment trouvez-vous le travail de vos collègues ? ». Rarement, j’ai vu Michel patiner, cet homme sait toujours quoi dire, mais cette fois, visiblement pas tout à fait arrivé, il resta vague. Par contre, tout au long de la causerie, il s’est repris, revenant sur le travail de ses collègues, identifiant leurs forces. Michel Rabagliati est un généreux, je le sais depuis longtemps.

Il a bien sûr été question du film qui doit être tiré de Paul à Québec, plusieurs versions ont déjà été soumises (Michel participe au scénario) mais étonnamment, ce n’est pas encore conclu d’une manière définitive. Autre surprise pour moi, la quantité d’esquisses que Michel sort avant de prendre la plume (feutre) finale. Je savais qu’il y en avait mais pas autant. L’animateur a soulevé l’audace des plans « pleines pages » qui surgissent dans les Paul, j’en profite pour dire que j’adore cette technique qui laisse filer de longs soupirs où le silence s’infiltre, donnant au temps une place dans l’histoire. Pour moi, Michel est un maître du temps, il joue avec le passé et pour lui, le « Je me souviens » n’est pas qu’une devise proposée par Lyse Payette lorsqu'elle était ministre du transport.

Paul est son alter égo, ce que Michel nous a démontré au moment où il s’est élevé contre le diktat de la supra performance informatique, s’emballant quelque peu (c’était plutôt rigolo !) et terminant sa tirade enflammée par un « Paul, c’est un nerveux ... moi aussi ! » 

Un couple regardant dans la même direction
Delaf et Dubuc
Quand on parle de Delaf et Dubuc, on pense immédiatement succès à l’étranger. Être édités dans le réputé Journal Spirou et chez Dupuis, une maison d’édition française n’est pas chose si courante pour des Québécois. Ils ont fait allusion à leurs débuts où, peu sûr d’eux, ils ont avancé ce trio de personnages féminins, formule gagnante dans leur esprit pour un périodique mais pas nécessairement pour un album, encore moins, plusieurs. Mais quand le succès te harponne, tu t’adaptes ou tu manques le bateau. Parce que célèbres, ils le sont avec plus d’un million d’exemplaires vendus, une rue à leurs noms à Bruxelles, des produits dérivés, des fonds d’écran, un fan-club, alouette !

Comme on ne prédit pas un succès d’une telle envergure, en cours de route, ils ont dû changer le caractère de leur victime, Karine. Des caractères aussi typés ne laissent pas la latitude suffisante pour une histoire qui s’allonge sur six tomes.

Marc Delafontaine (Delaf) - au dessin
Ils ne sont pas du genre à s’assoir pas sur leurs lauriers, à chaque fois qu’ils font un changement, même après en avoir discuté avec l’éditeur, ils appréhendent la réaction des fans. En ce dimanche ensoleillé, ils nous ont transmis jusqu’à quel point le succès rend vulnérables. Avant la sortie en librairie, ils éprouvent le trac : est-ce que les changements vont passer ? Pour donner un exemple, la convention veut que les vêtements soient toujours les mêmes, alors le changement radical de style de Karine se range dans les gros changements en bande dessinée.
Maryse Dubuc (Dubuc) - au scénario

Autre élément amenant des discussions nourris dans le couple, et ensuite avec l’éditeur, c'est l’équilibre à tenir entre les expressions françaises et québécoises.  Ils doivent souvent jongler avec les mots, ne pas en échapper, qu’ils soient compris des deux côtés de l’océan. Prenons l’exemple de nommer une institution d’enseignement, il n’y a pas de CEGEP en France, pas de polyvalente, il faut donc utiliser un mot neutre. École ? Ça fait un peu enfantin. Ce n’est qu’un exemple parmi d'autres. Pour les albums de Rabagliati, le problème se pose moins puisqu’il ne s’agit pas de gags. On le dit souvent, la comédie, cela doit être rythmée au quart de tour, si le lecteur accroche sur un mot, le rythme casse et adieu le rire !

Ce qui m’a le plus frappé de ce discours sur le succès est l'affirmation de Marc Delafontaine disant qu'il n’a plus de temps de dessiner autrement que pour Les Nombrils, même pas durant ses loisirs. Il est confiné à ce style qui ne montre pourtant qu’un angle de son art. Y a pas à dire, le succès a son prix.
Dominic Tardif
Comme d’habitude, je suis arrivé à vous relater qu’une petite partie de cette causerie palpitante. Elle a résonné dans les rires mais aussi donné lieu à de l'écoute très concentrée. Dominic Tardif a posé d’intelligentes questions, il avait son dossier bien en mains, sans que cela ne paraisse. Je lui accorde des étoiles pour l’art de l’animation, pour sa confiance de laisser une porte largement ouverte à l’improvisation !
Songeur