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samedi 14 mars 2015

C'est le coeur qui meurt en dernier - Robert Lalonde

J’ai une histoire d’amour inachevé avec Robert Lalonde. Certains romans, je les ai quittés, avec la conviction d’y revenir un jour. Ce jour où je serai dans l’humeur de lire de l’intériorité riche et intense. Riche, parce qu’intense à chacune des phrases. Peu de pause accordée par la légèreté d’un dialogue par exemple. Il nous amène visiter les couches profondes de sa pensée où il ne règne pas toujours une clarté éclatante.

Cette fois, sujet intime entre tous ; sa mère. Si voulez connaître un homme, vraiment connaître ses revers moins évidents, faites-lui parler de la relation avec sa mère. C’est efficace. Autrement dit, et dans le cas qui nous occupe, Robert Lalonde se révèle énormément dans ce roman, plus à mon avis que dans n’importe quelle biographie en bonne et due forme.

Il fait un portrait vivant et détaillé de sa mère, hors du commun. Sa mère et le portrait sont hors du commun, en tout cas sous la lunette de son fils.

Une fois le livre fermé, je me suis demandé si maintenant, je l’imaginais mieux, cette mère surprenante. Si j’arrivais à la cerner assez pour l’imaginer dans la vraie vie. Non, pas tant que ça, malgré les 168 pages qui la décrivent sous plusieurs angles. Mais la relation entre la mère et le fils, oui je l’imagine mieux. Une de ces relations étroites, où la manipulation de la mère aimante force le fils à une acrobatie émotive quotidienne. L’amour entre ces deux êtres, que leur caractère en apparence n’incline pas à se rapprocher est à suivre comme une danse où lorsque trois pas sont esquissés vers l'arrière, deux autres sont à prévoir vers l’avant. La tentative de fuir de la toile tissée de cette mère araignée est flagrante, pour échapper à l’étouffement de l’amour de cette femme à l’émotion toujours à fleur de peau. Une de ces femmes qui a dédié entièrement sa vie pour ses hommes : mari et fils. Qui a sacrifié leur vie. En revanche, elles exigeaient impérativement de la reconnaissance. Au contraire des femmes émancipées, elles ne laissaient pas la liberté à leurs hommes, surtout pas à leurs fils pour qui elles s’étaient inquiété.

Robert Lalonde a une mère de cette trempe et en plus, pas une molasse, une fantasque, comme on disait à l’époque. S’abandonner à être elle-même, cet être aurait pu justement être une artiste de la scène, ce que son fils a accompli pour elle, mais beaucoup avec moins d'extravagance.

L'histoire est intéressante, ai-je besoin de le préciser, maintenant que vous réalisez qu’il m’a fait réfléchir aux relations humaines, dont les toxiques. Robert Lalonde s’en est sorti dans la mesure où l’on arrive à se sortir d’une relation aussi intense avec sa mère quand on est un fils unique. Et un unique fils. Sa mère d’ailleurs ne se pâmait pas devant le statut d’écrivain de son fils qu’elle secouait de ses remarques acérées avec une part de cette justesse qui ferait réfléchir tout être bien-pensant.

Le roman m’a d’autant plus touchée que moi aussi je me suis réconciliée avec ma mère sur le tard. Quand elle était mal en point, plus vulnérable, plus accessible. Robert Lalonde s’est protégé de sa mère une bonne partie de sa vie d’adulte, et à la fin quand il se sent enfin capable de l’aimer sans étouffer, il s’en approche et découvre un être fascinant, plus sage qu’il n’y paraissait. Bref, un portrait fascinant d’une mère qui rend la vie tout, sauf ennuyante.

Il y a une émotion intempestive dans ce roman que j’aimerais retrouver plus souvent chez cet écrivain tout en retenue.

3 commentaires:

anne des ocreries a dit...

Une mère qui pourrait ressembler à la mienne...M'intéresse, ce bouquin là.

Suzanne a dit...

Roman qui m'a bouleversée même que je ne suis pas encore parvenue à écrire mon billet. Bientôt je suppose.

Topinambulle a dit...

Comme Suzanne, j'ai été très émue par ce roman et je n'ai pas réussi à en parler. J'ai beaucoup aimé ce portrait personnel, mais avec portée émotive très forte.