Faites comme chez vous

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c'est recevant !

vendredi 31 juillet 2015

13e Édition - Correspondances d’Eastman : 6 au 9 août

Oui, incroyable, comme le temps passe ! Les Correspondances d’Eastman ont 13 ans cette année. C’est jeune. C’est l’adolescence débordante d’élan, mais encore près de l’enfance. Cette enfance, qu’on n’oublie jamais est justement le thème de cette année.

Encore une fois, ils sont nombreux à venir en discuter dans les populaires Cafés causerie (en pleine nature, sous un chapiteau).  J’en nommerais quelques uns, peut-être pas vos préférés, je vous invite à fouiller la programmation riche de belles surprises. Y seront Caroline Allard (mère indigne), Patrick Nicol (La baigneuse au milieu du lac), le prolifique Simon Boulerice, Andrée A. Michaud (le plus qu’excellent Bondrée), Catherine Leroux (Le mur mitoyen), notre grande poète Hélène Dorion, la mystérieuse Perrine Leblanc (L’homme blanc), le nomade Deni Yvan Béchard (Le bruit et la fureur).

Vous trouvez qu’il manque de loyaux soldats ? Euh, c’est que j’en gardais pour le dessert ! Kim Thùy, la pétulante, Dany Laferrière, le fier académicien, le marathonien, Robert Lalonde et le si sage Serge Bouchard. Leur vivacité d’esprit vous enchantera dans d’exclusives grandes entrevues. Attention, ceux qui les animent sont les assises de ces causeries et on les aime beaucoup : Tristan Malavoy, Catherine Voyer-Léger, Elsa Pépin, Dominic Tardif, le doyen Jacques Allard … et j’en passe. Vite, un petit couic de souris et le tout défilera sous vos yeux avec l’horaire, les prix, les résumés détaillés.

Le volet jeunesse s’impose, d’autant plus primordial que nous festoyons sous le thème de l’enfance : Simon Boulerice (Il est partout, ce gai luron !) Marianne Dubuc (L’autobus), Sonia Safarti, et le cœur jeune, enfantin, candide de notre Dany Laferrière.

Et que fait-on des soirées, lorsque la lune s’allume dans nos cieux ? On se rend aux spectacles. Jeudi soir, l’envol est donné par celle qui porte haut les mots : Chloé Sainte-Marie. Vendredi soir, Fanny Bloom, que l’on dit électrisante (commandité par Hydro Québec…. C’te blague !). En ce même soir, le spectacle-cabaret Lis Ta Rature avec David Gaudreau. C’est samedi, le 8 août que se tiendra le grand spectacle littéraire, une mise en scène de l’Amélanchier de Jacques Ferron avec l'actrice Johanne-Marie Tremblay.

Activités avec le stylo passeport
L’important, cela pourrait être la rose, car les jardins d’écriture sont florissants. Pas moins de dix jardins ou chambres ou pont ou sentier ou parc attendent votre inspiration et votre respiration calme et profonde.

Comme à chaque année, il y a le portage des mots, ces quelques kilomètres de sentiers en forêt parsemés d’installations artistiques qui permettent de découvrir des scènes de romans ou de bandes dessinées.

Le stylo passeport au coût de 12 $ (que vous conservez en souvenir) vous donne droit aux expositions et aux animations de toutes sortes. Que ce soit une lecture par Hélène Dorion, ou le thé avec Kim Thùy, restez alerte pour de ne pas manquer Dame Pamplemousse qui contera fleurette et amusera vos enfants en chœur, ou vos cœurs d’enfants. Et la chasse au trésor, elle, il ne faudrait surtout pas la manquer, pendant que la forêt se fait enchantée … de vous voir !

J’espère que votre curiosité est piquée. Si vous n’avez jamais mis les pieds aux Correspondances d’Eastman, c’est cette année que ça se passe. Seul, en duo ou en famille, sachez que pour les enfants sous la barre des 16 ans, c’est gratuit.

Sur place : Chapiteau d’accueil au centre du village, librairie Archambault, service de restauration, salon des artisans et navette entre les jardins d’écriture. Papiers, timbres, enveloppes, support à votre disposition à chaque lieu inspirant l’écriture d’une lettre, d’un poème, d’un conte ou d'une nouvelle !  Envolez-vous avec votre plume ... ou votre stylo !

Venez au pied du Mont Orford et de la lettre, à Eastman, le village de toutes les Correspondances !

samedi 25 juillet 2015

Au beau milieu, la fin de Denise Boucher

De temps en temps, je lis un “livre blanc” de Leméac. Êtes-vous comme moi, trouvez-vous qu’à notre époque où le visuel prédomine, ces bouquins tous semblables passent inaperçus ? Cela ne m’a pas empêché de lire Denise Boucher, auteure connue pour sa pièce à succès « Les fées ont soif ». La balance de ses œuvres s’active autour de la poésie, nous avons donc en mains son premier roman, écrit à l’âge de 75 ans.

Denise Boucher nous offre un roman fortement assaisonné au « je » identifié genre « épistolaire » : pas des lettres, des courriels. J’ai fini par oublier qu’elle s’adresse à sa grande amie Brigitte, partie « ailleurs » sans dire où. Tout au long du récit, j’ai eu l’impression qu’elle me parlait à moi. J’y vois qualité remarquable pour toute l’intimité installée elle et son lecteur.
Son personnage est « âgé », et ce n’est pas juste un chiffre en l’air, de beaux cheveux blancs, et une mamy aimante, non, on parle de la vieillesse et de ses limites ; celles du corps, de l’esprit et du budget. La vieillesse jumelée à la pauvreté ne fait pas bon ménage. On dit que les gens heureux n’ont pas d’histoire eh bien, cette personne âgée a une histoire car elle se frappe à ses limites, ce qui la sort de son bonheur quotidien.

Elle vit sous le même toit que son mari, Zut, que j’ai perçu comme un fantôme, tellement la place des femmes y est plus importante. Il est pourtant très présent, mais elle accorde peu d’importance à Zut, il est une matière négligeable. Peut-être parce qu’elle lui en veut. En tout cas, ce n’est pas de l’entente, c’est plutôt du silence. 
Elle nous raconte sa vie au jour le jour, et c’est tout simplement savoureux. Elle a un humour fin. Il y a des soubresauts émotifs pour la peine, cette lecture n’est pas ennuyante mais certainement relaxante. Entre les mots on voit les pas feutrés d’une personne âgée qui, même au paroxysme de l’indignation, ne fait pas beaucoup de bruit. L’âge de la turbulence est terminé et ça s’entend.

Une narratrice probablement assez près de l’auteure puisqu’elle a beaucoup de caractère, est indépendante et audacieuse. Le dernier qualificatif que l’on pourrait lui attribuer est « soumise ».
Il y a si peu de romans qui abordent les limites de la vieillesse, ne serait-ce que pour cela, le roman vaut sa place sur les tablettes de bibliothèque. Si on rajoute le ton intime à l’humour fin, il vaut l’offrande, à soi ou à l’autre. 

mardi 14 juillet 2015

Six minutes de Chrystine Brouillet

Qui de mieux qu’un enquêteur et un auteur de sexe féminin pour parler de la violence faite aux femmes ? Précision : de la violence faite aux femmes par les maris. Avec Six minutes, c’est ce point qui est amené sous la loupe de la détective Maud Graham.

Je connaissais de réputation cette détective célèbre, mais je l’avais lue une seule fois et depuis longtemps. J’ai fait connaissance et j’ai aimé la différence avec les inspecteurs masculins qui bouffent n’importe quoi, la plupart se trouvant glorieux à détruire leur santé ! Maud Graham est une épicurienne, a une famille et une vie équilibrée.

Il est question de deux vies de femme violentées par leur mari, on les suit dans le désordre des événements de leur vie. Le portrait que j’ai trouvé le plus attachant est celui de celle qui fuit, qui se cache, celle qui a changé de vie et qui prie pour que son mari puissant et riche ne la retrouve jamais. J’ai pris son cas à cœur. L’autre femme a un caractère plus vulnérable à prime abord, elle est au cœur du drame et se laisse violenter. Elle se tait, se cache aussi, mais malheureusement pas de son mari, mais de ceux qui pourraient la sauver de son démolissage en règle.

C’est le meurtre d’un homme bon et aimé de tous qui alerte Maud Graham et son équipe. Le crime est inexplicable, le profil du tueur quasi impossible à cerner. Nous faisons connaissance avec les nombreux questions de l’inspectrice et à certaines nous pouvons même répondre. J’avoue que je ne suis pas habituée à cette habitude de laisser le lecteur en savoir plus que l’inspecteur. Mais ceci n’a pas gâché mon plaisir, je me suis sentie omnipotente !

Par contre, j’ai eu la sensation de ne pas me comporter comme prévu en tant que lectrice. Il me semble que normalement, j’aurais dû en baver un peu plus pour cette jeune femme tenue entre les griffes de son mari violent, laquelle met sa vie en danger régulièrement, sans se plaindre ni porter plainte. Malgré ma conscience de l’horreur de cette situation, j’ai suivi avec plus d’émotion celle qui se sauve depuis des années, sans avoir dénoncé son mari. Elle continue et prolonge son état de victime en se terrant pour le reste de ses jours. Pourtant, je sentais une force en elle. Pourquoi n’a-t-elle pas dénoncée son mari ? Parce qu’il est puissant, riche et accoquiné avec un haut placé des forces de l’ordre. J’aurais aimé sentir un peu plus sa peur. À un moment donné vers la fin, l’auteure l’éclipse du décor, on suppose qu’elle a peur mais le contact direct avec cette peur n’est pas décrit.

Les portraits des bourreaux sont crédibles. Ils sont plus détaillés, particulièrement bien sûr, l’homme violent que l’on voit en activité. On trouve dans ce roman une tentative sincère d’exposer comment se sentent les victimes. Les portraits des bourreaux sont détaillés, l’enquête rodée, les portraits de femmes crédibles, mais il a manqué que je tremble de peur pour elles. Elles ne sont pas arrivées à me transmettre cette peur viscérale d'une personne tenue sous une poigne violente, sa peur de ne pas respirer de la bonne façon.

Évidemment que dans ce genre de roman le côté stressant qui monte progressivement jusqu’à son apogée nourrit l’intérêt. Si la terreur des femmes avait été plus tangible, plus palpable, plus concrète, mon stress de lectrice aurait culminé. À la défense de l’auteure, je crois que le défi est titanesque de rendre parfaitement la peur paralysante de ces femmes qui se laissent battre à mort.

Je compte revenir à Maud Graham, cette détective épicurienne, humaine et plutôt zen. Elle pourrait aussi bien être vous puisqu’elle ne se prend pas pour une héroïne. Son humilité la rend sympathique autant, comme par hasard (!), que la très prolifique auteure Christyne Brouillet.

vendredi 10 juillet 2015

Le temps des bâtisseurs - t.1 : Le visionnaire de Louis Caron

Photo du Nouvelliste
J’ai le roman entre les mains, ne connais pas Louis Caron, cet écrivain de 72 ans et j’entends une voix me dire que je vais aimer. Je bénis mon intuition.

Linda Corbo du Nouvelliste a intitulé son article « Le retour de Louis Caron ». Après plusieurs publications, pour la plupart historiques, celui-ci s’est tu pendant dix années. L'histoire de ses ancêtres le tourmentait, des bâtisseurs dans le sens propre du terme, puisqu’ils étaient des architectes. L'article laisse entendre que le romancier a tardé à s’y atteler, parce qu'il ne se sentait pas à la hauteur. Eh bien, bonne nouvelle, il l’est, à la hauteur !

Frédéric est un père d’une douzaine d’enfants. Sa femme est stricte et scrupuleuse, ne permet pas à son mari de déployer son côté créatif qui s’étouffe dans l’œuf. Inlassablement, elle le critique, le diminue. Tandis que sa voisine, et belle-sœur, plus jeune et plus ouverte, reconnait et aime cette différence qui distingue Frédéric des simples paysans, comme son mari par exemple. Cette liaison est surprenante autour des années 1860. J’imaginais les pionniers si las à la fin de leur journée, sans aucune énergie pour batifoler. Ce n’est pas le cas, et les enfants le sentent, et l’épouse légitime s’en doute, et le frère cocu, rage. Mais là n’est pas le principal de l’histoire.

L’essentiel de l’histoire sont les conséquences de cette infidélité. Frédéric et son fils ainé, Frédéric junior s’exilent aux États-Unis, histoire pour le père de repartir à zéro avec sa nouvelle conjointe, même si celle-ci devra attendre qu’il possède terre et maison avant d’aller le rejoindre. Sous la foi d’une brève annonce découpée dans un journal, où un prêtre attire les pionniers avec la promesse d’un lopin de terre gratuit, les Frédéric partent. Le fils entreprend cette expédition uniquement par respect pour son paternel, car il vise plus haut que défricher des terres. Celui-ci rêve de dessiner des bâtiments complexes. En attendant, il doit se contenter de barbouiller dans les marges du journal, puisque la pauvreté est telle qu’il n’y a pas un bout de papier dans la maison. 

La majeure partie du roman se passe avec les Frédéric, et le diable en personne qui s’avère être le prêtre qui a la mainmise sur les terres. Je réalise en tentant de résumer l’histoire que c’est la force des personnages, leur côté attachant, ou diabolique, qui nous captive et nous bouscule. L’aventure dans le Midwest américain n’est pas de tout repos. Les aventures, les mésaventures, les anecdotes, les crises, les cris du cœur abondent. L’injustice de la situation nous étreint. Ce père a l’art de se mettre les deux pieds dans les plats, projetant sur chacun ce qu’il est : juste, honnête, vaillant. Le fils est plus réaliste que le père et, donc, moins passif.

Les solutions aux problèmes rencontrées sont audacieuses et créatives, autant du côté du Bas Canada, avec les femmes que l’on retrouve de temps en temps, que du côté des hommes. Si on s’arrête au côté plausible des caractères émancipés, ça peut faire sourciller, mais en s’ouvrant à l’exceptionnel des personnages, rendant du coup hommage à l’imagination libre de l’auteur, on profite d’une histoire qui réchauffe le coeur.

La peinture d’époque est détaillée et vraisemblable, même si les personnages la surpassent. Les bons le sont profondément et les mauvais le sont sans l’ombre d’une lumière, ce qui nous envoie d'un extrême à l'autre.

J'ai souvent éprouvé l’envie de secouer Frédéric « père », mais j’ai fini par lui pardonner son idéalisme, ne serait-ce parce que c’est plus charmant que le désabusement.

L’histoire nous kidnappe et nous amène à visiter le passé du 19e siècle, revêtu d’un esprit moderne. J’ai extrêmement hâte à la suite, je suis embarquée dans cette galère et n’espère ne jamais en sortir.